• Secrets et mensonges *****

    "You were perfect, unblemished. Innocent of ill thought, with a light that radiated from you like sunlight. You brought meaning to everything, and, with you in it, my world had become a warmer place. Until I went and ruined it all."

    Sur l’île de Wight cette année-là, le Nouvel An commence par une tragédie : pendant cette nuit de fête, la petite Daisy a mystérieusement disparu de son berceau. Elle était sous la surveillance de sa tante, Jess, que les parents de l’enfant, James et Emily, retrouvent inconsciente à leur retour de soirée, dévastée et incapable d’expliquer ce qui est arrivé au bébé.

    Daisy et Jess sont toutes deux les « petites sœurs » auxquelles se réfère le titre. Daisy est la demi-sœur de Chloé, quinze ans, fille de James et de sa première épouse, décédée lorsque Chloé était toute petite, et Jess est la jeune sœur d’Emily, qu’elle a retrouvée après une longue séparation dont les causes nous seront dévoilées par petites touches. A partir de la disparition de Daisy, Isabel Ashdown explore la dynamique de cette famille pas tout à fait comme les autres, dont les apparences pourtant normales ne résisteront pas au drame et qui implosera peu à peu, au fur et à mesure que les révélations en secouent les fondations…

    « Little Sister » est un suspense psychologique que l’on a du mal à lâcher malgré le peu d’action à proprement parler. L’alternance des points de vue d’Emily et de Jess, le double mystère de ce qui est arrivé à Daisy et, il y a bien longtemps, à Jess, et enfin la divulgation progressive des petits et grands secrets de chacun, assurent l’intérêt du lecteur jusqu’à la fin : il découvre des fragments de passé sans jamais vraiment savoir qui est fiable ou pas. Par ailleurs, l’auteure parvient à créer un climat proche de la claustrophobie dans la maison de l’enfant disparu, décrivant de manière convaincante la souffrance de chacun des membres de la famille.

     

    Un thriller psychologique de qualité, qui donne envie de découvrir à la fois l’île de Wight et d’autres romans d’Isabel Ashdown… 


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  • Ultra moderne solitude ****

    « Les heures souterraines », ce sont deux histoires de vies, celle de Mathilde et celle de Thibault. Ils ne se connaissent pas  -mais peut-être se croiseront-ils un jour ?- mais leur détresse est étrangement similaire, fût-ce pour des raisons différentes.

    Mathilde élève seule ses trois enfants et a une vie professionnelle réussie jusqu’au jour où son supérieur la prend en grippe pour une futilité. La dégradation est insidieuse mais terriblement réelle, au point que quelques mois suffisent pour que Mathilde se retrouve au bord de l’abîme : « Combien de fois a-t-elle pensé qu’on pouvait mourir de quelque chose qui ressemble à ce qu’elle vit, mourir de devoir survivre dix heures par jour en milieu hostile ? »

    Thibault est quant à lui médecin et son quotidien, ce sont les Urgences Médicales de Paris. Son métier le met en contact permanent avec les oubliés des villes, ceux qui parfois appellent un médecin seulement pour avoir quelqu’un à qui parler. Au moment où nous le rencontrons, il se prépare à vivre une rupture sentimentale avec Lila, parce que «il avait compris que rien ne pourrait vivre ni grandir entre eux, rien ne pourrait s’éteindre ni s’approfondir et qu’ils resteraient là, immobiles, dans la surface molle des histoires éteintes. »

    Delphine de Vigan écrit magnifiquement bien et nous fait partager quelques mois de vie de ces deux êtres à la dérive, que l’on a envie de voir émerger malgré ce qui les broie. Elle dresse un portrait sans concession du monde de l’entreprise (« elle se demande <…> si l’entreprise, dans ses rituels, sa hiérarchie, ses modes de fonctionnement,  n’est pas tout simplement le lieu souverain de la violence et de l’impunité ») et de la ville, personnage à part entière du roman, dans les entrailles de laquelle on a parfois envie de capituler (« Et la ville, de son fracas, couvre les plaintes et les murmures, dissimule son indigence, exhibe ses poubelles et ses opulences, sans cesse augmente sa vitesse. »).

    Un très beau roman sur les solitudes modernes que je vous recommande.

     

    Du même auteur: Rien ne s'oppose à la nuit


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  • Sombre avec moi / Black WidowBlack Widow

    "Celtic Gone Girl" *****

    WINNER Theakston Old Peculier Crime Novel of the Year
    WINNER Bloody Scotland McIlvanney Prize for Crime Novel of the Year*****

    « See, that’s what chills them. They can just about handle a crime of passion, a moment of madness. But a clever, calculating woman who can plan something elaborate and deceitful is a far more galling prospect.”

    Diana Jager est incontestablement une femme brillante : chirurgienne renommée, elle est également à l’origine d’un blog dénonçant le sexisme dont sont victimes les femmes dans cet univers dominé par les hommes  -ce qu’elle paiera cher tant sur le plan personnel que professionnel. Mais la chance semble enfin lui sourire puisque alors qu’elle a presque renoncé à une vie de famille, le hasard professionnel met sur sa route Peter Elphinstone. L’alchimie opère et ils ne tardent pas à se marier… davantage pour le pire que pour le meilleur puisque six mois plus tard, un terrible accident de voiture met un terme au conte de fées. La jeune veuve n’étant pas aussi éplorée qu’elle devrait l’être, les suspicions ne tardent pas, d’autant plus que la sœur de la victime, Lucy, est persuadée que la mort de son frère n’est pas accidentelle. Elle contacte dès lors le journaliste Jack Parlabane, actuellement en disgrâce en raison de méthodes parfois peu orthodoxes, et lui demande de faire toute la lumière sur la disparition de Peter.

    « Black Widow » a obtenu plusieurs prix et bénéficiait de critiques très élogieuses, tant de la part des professionnels que du public, s’étant même vu qualifier de « Celtic Gone Girl » par Ian Rankin himself. J’avais donc hâte de le lire et je n’ai pas été déçue : j’ai été captivée du début à la fin par cette intrigue complexe et diaboliquement intelligente. Nous suivons tantôt Jack, tantôt les policiers qui sont arrivés sur les lieux du drame, le tout étant interrompu par le récit de Diana, qui revient sur l’évolution de sa vie conjugale, et par le procès en cours. Cette alternance modifie souvent la perspective du lecteur et le mystère est savamment entretenu : qui est vraiment Diana et qu’a-t-elle fait de Peter ? Et si elle l’a vraiment assassiné, peut-être avait-elle de bonnes raisons pour ce faire, finalement ?...

    Un très bon thriller, qui allie au suspense une écriture agréable et une certaine finesse dans l’analyse des relations humaines en général et conjugales en particulier… Vivement recommandé, j’ai quant à moi passé un délicieux moment en compagnie de cette Veuve Noire smile


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  • La vie devant soiPrix Goncourt 1975

    "Moi je souriais aussi, mais à l'intérieur j'avais envie de crever. Des fois je sens que la vie, c'est pas ça, c'est pas ça du tout." ****

    Face à la pléthore d’avis dithyrambiques, je ne pouvais pas passer à côté de « La vie devant soi », de Romain Gary, prix Goncourt de surcroît. Pourtant, je dois bien avouer que je suis un peu restée sur ma faim -peut-être précisément en raison de ces attentes très élevées.

    L’histoire tout d’abord : la relation, tendre et émouvante, entre deux âmes un peu perdues, le petit Mohammed, dit « Momo », « fils de pute » au sens propre du terme (désolée, c’est lui qui le dit), et Madame Rosa, vieille Juive qui a survécu à l'horreur d'Auschwitz et qui s’occupe, moyennant paiement, de plusieurs enfants plus ou moins abandonnés par leurs mamans prostituées. Mais Madame Rosa dépérit de jour en jour et Momo fera tout pour qu’elle puisse finir sa vie chez elle, de la manière la plus paisible possible.

    « La vie devant soi » est un roman très particulier notamment en raison de son style : le langage est celui d’un gamin dont on ne connaît pas très bien l’âge, qui fait des fautes de français mais qui paradoxalement a un regard d’une grande lucidité sur le monde qui l’entoure. Ce choix littéraire m’a à la fois dérangée et séduite : dérangée par son aspect répétitif, qui a engendré une lassitude au bout de quelques dizaines de pages, séduite par des phrases fulgurantes de justesse, d’émotion ou de drôlerie parfois cynique : « Quand j’ai commencé à réclamer ma mère, Madame Rosa m’a traité de petit prétentieux et que tous les Arabes étaient comme ça, on leur donne la main, ils veulent tout le bras. »

    L’univers de Momo, c’est un monde où les repères ne sont pas tout à fait ceux d’un enfant : les prostituées sont « des personnes qui se défendent avec leur cul »,  la vie est avant tout précarité (« Je pense que pour vivre, il faut s’y prendre très jeune, parce qu’après on perd toute sa valeur et personne ne vous fera de cadeaux ») et le bonheur tout autant : « J’étais tellement heureux que je voulais mourir parce que le bonheur il faut le saisir pendant qu’il est là. ».

    J’avoue m’être ennuyée à l’un ou l’autre moment vers le milieu du livre, alors que le début était très engageant par son originalité et que mon intérêt a été ravivé vers la fin. Sous réserve de ces quelques longueurs et du style littéraire particulier, qui pourrait ne pas plaire à tout le monde en raison des fautes de français et de la vulgarité occasionnelle, « La vie devant soi » est cependant un livre profondément humain et original qui mérite le détour.

     

     

     


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  • Les fausses innocences"Toutes les choses vraiment atroces démarrent dans l'innocence." (Hemingway) *****

     

    1962, un petit village belge proche de la frontière allemande, paisible malgré les cicatrices de l’histoire. Le bourgmestre, Roger Müller, habite seul avec maman et mène une vie tranquille à défaut d’être passionnante. Elle va cependant prendre un tour inattendu lorsqu’il apporte son aide au médecin de Niederfeld, André Stembert : pour son plus grand malheur, ce dernier est lâchement trahi par sa voiture alors qu’il se préparait à quitter son épouse pour rejoindre sa maîtresse. Mais Roger ne l’entend pas de cette oreille : on ne quitte pas une femme comme Mathilda, que Roger aime depuis son adolescence, et il enjoint donc à son passager de regagner immédiatement le foyer conjugal.

    Car Mathilda, aux yeux de Roger, c’est un peu Tess d’Urberville : « Et pourquoi si souvent l’être grossier prend-il possession de l’être supérieur, l’homme de la femme pour laquelle il n’était point fait, la femme du compagnon qui n’était point pour elle ? » (Thomas Hardy). Comme Tess, elle a fini dans les bras de celui qui ne la méritait pas et peut-être a-t-elle même poussé la ressemblance plus loin. En effet, lorsqu’elle vient déclarer la mort de son mari sur une route d’Allemagne, Roger sait pertinemment qu’elle ne dit pas la vérité…

    Je ne vous en dirai pas plus et vous laisse le plaisir de la découverte par le biais des récits alternés de Roger et de Mathilda. Le style littéraire, comme toujours chez Armel Job, est soigné, les personnages à la fois nuancés et réalistes et l’intrigue, parfaitement maîtrisée, nous tient en haleine jusqu’au bout. J’ai apprécié en outre les touches d’humour qui émaillent le récit : les agonies factices de  la mère de Roger pour attirer son attention ou le punir, l’abstinence volontaire de monsieur le bourgmestre sur son territoire (« Premier magistrat de ma commune, officier de l’état civil, je me vois mal exhorter les jeunes mariées à la vertu entre deux coups de canif aux contrats de leurs mères. ») ou encore, à propos des rivalités entre catholiques et socialistes : « Mais, à Niederfeld, il n’y a d’enterrement civil que pour les chiens et les chats. Aux pires socialistes, ceux qui lui ont crié « A bas la calotte ! » leur vie durant, le curé Wallenborn adjuge une absoute sans sourciller. C’est sa façon d’avoir le dernier mot. »  Quelques touches de douceur également, comme cette phrase à propos des tendresses bafouées : « Qu’est-ce donc que cet entêtement de la nature humaine à piétiner ce qui s’offre pour courir après ce qui se refuse ? »

    Un roman policier d’atmosphère qui réjouira tant les amateurs d’intrigues subtiles que les amoureux de la langue française et que je ne peux que vous recommander…

     

    Du même auteur: 

    Helena Vannek

    Et je serai toujours avec toi

    Tu ne jugeras point


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