• La familia grande

    La familia grande«Nous étions si petits et vous nous paraissiez si grands, si importants, si essentiels. Comment notre beau-père aurait-il pu désirer autre chose que notre bien ? Qui étais-je pour m’opposer à cela ?» *****

    Ce court extrait résume à merveille le propos de ce livre coup de poing. La «familia grande», c’est celle au sein de laquelle grandit Camille Kouchner, celle qui se réunit tous les étés dans la grande maison de vacances de Sanary dans un esprit de liberté totale. Des étés lumineux qui fleurent bon le thym et le mimosa mais où va naître «l’hydre» qui étouffera Camille jusqu’à finir par exploser dans l’écriture de ce roman.

    Car dans la familia grande, il y a le beau-père, jamais nommé et pourtant reconnu de tous  -le politologue Olivier Duhamel, compagnon de la mère, Evelyne Pisier. Un beau-père qui considère les trois enfants de sa compagne comme les siens, dit-il, mais qui dans la chaleur des étés de Sanary impose à Victor, jumeau de Camille, alors âgé de 14 ans, une «initiation» très particulière, confondant liberté sexuelle et inceste.

    Tout comme «Le consentement» de Vanessa Springora, «La familia grande» est le genre de livre que j’aborde avec une certaine appréhension, craignant une impudeur confinant au voyeurisme compte tenu du sujet et de la célébrité des protagonistes  –Camille est la fille de Bernard Kouchner et la nièce de Marie-France Pisier.

    Tel ne fut cependant pas le cas. Camille Kouchner reste aussi pudique que les faits le permettent et j’ai plutôt vécu cette lecture comme un long cri du cœur de la part d’une victime «indirecte». Un cri du cœur que je lui souhaite cathartique à titre personnel mais qui a également un rôle social  -n’est-ce pas aussi à cela que sert la littérature ?

    Ce roman met fin à une omerta similaire à celle dont a bénéficié Gabriel Matzneff et l’on reste à nouveau sans voix face au cynisme de cette frange intello-bourgeoise de la société parisienne et aux arguments nauséabonds avancés pour justifier l’injustifiable. Une prise de parole salutaire, qui ouvrira peut-être la voie à d’autres victimes et qui permet en tout cas de mieux percevoir la nature et la profondeur d’une blessure difficile à comprendre pour ceux qui ne l’ont pas vécue.

    «Je vais t’expliquer, à toi qui dis que nous sommes tes enfants. Quand un adolescent dit oui à celui qui l’élève, c’est de l’inceste. Il dit oui au moment de son désir naissant. Il dit oui parce qu’il a confiance en ton apprentissage à la con. Et la violence, ça consiste à décider d’en profiter, tu comprends ? Parce que, en réalité, à ce moment-là, le jeune garçon ne saura pas te dire non. <…> Ça va durer, et puis il va culpabiliser, se dire que c’est sa faute, qu’il l’a cherché. Ce sera ton triomphe, ta voie de sortie pour en réchapper.»

     

     

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