• Entre deux mondes

    Entre deux mondesEntre deux regards *****

    Car il y a le regard d’avant cette lecture et celui d’après. Le premier est un peu lointain, une vague compassion mâtinée d’indifférence car au fond, cette Jungle de Calais, nous la connaissons surtout par ouï-dire et nous nous en faisons une représentation mentale à travers le prisme médiatique. Et le drame des réfugiés se réduit souvent à des nombres de corps dans les eaux de la Méditerranée, tristement anonymes et dès lors peu touchants.

    Le regard d’après « Entre deux mondes » ne peut plus être le même. Olivier Norek donne en effet forme humaine à ces tragédies sans visages, grâce à un récit bouleversant et sans concession. Les personnages, tout d’abord : un policier français nouvellement arrivé à Calais, un policier syrien obligé de fuir son pays pour tenter de rejoindre Calais, antichambre du paradis, un petit garçon qui a vécu l’innommable et surtout une femme et une petite fille sur un bateau, à la merci des éléments et des bêtes humaines, première secousse émotionnelle d’un récit qui ne laissera pas de répit à son lecteur. « Coincés entre la vie terrestre et la vie céleste. Comme bloqués entre deux mondes. Ils me font penser à eux, oui. Des âmes, entre deux mondes. »

    Le décor ensuite : la tristement célèbre Jungle de Calais, « ville poubelle anarchique, planquée comme la honte qu’elle était », zone de non-droit, où la violence le dispute au désespoir et où l’homme redevient un loup pour l’homme. L’intrigue enfin : une suite de confrontations où la loi du plus fort est souvent la meilleure et une histoire de rêves sans fin qui viennent se heurter à des règles inhumaines. Pas de manichéisme, les (anti-)héros ne sont que des hommes, capables du meilleur comme du pire dès qu'ils trouvent plus vulnérable qu'eux.

    Je n’aurais pas pensé a priori aimer ce genre de livre, l’ayant surtout choisi suite aux nombreux avis positifs qu’il a suscités, et pourtant je l’ai lu presque d’une traite, tant l’on se prend d’empathie pour les protagonistes. On veut les voir réussir ce passage vers la Terre Promise « Youkè », on s’indigne des traitements qui leur sont réservés, on s’émeut de leur sort, on partage leurs sentiments grâce à des formules qui font mouche : « De l’espoir à l’effondrement absolu. Passer de l’un à l’autre de ces deux sentiments en un quart de seconde, c’était comme être giflé en plein éclat de rire. »

    Roman bien documenté et terriblement réaliste, « Entre deux mondes » nous révèle l’envers du décor, nous emmenant le temps d’un livre dans une autre sphère. Il est d’autant plus touchant qu’il ne nous offre pas la distanciation confortable de la fiction : impossible de nous réfugier dans une quelconque réconfortante certitude d’imagination romanesque alors que nous savons que chaque drame a été, est ou sera vécu. Une œuvre percutante qui ne peut qu’inciter à un peu plus d’humanité et que je vous recommande.

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Aloane
    Jeudi 16 Novembre 2017 à 20:56
    J’attendais ton retour pour ce roman, car comme toi ce n’est ce genre qui m’int d’habitude...Mais là je dois avouer que tu me tentes aussi
    2
    Vendredi 17 Novembre 2017 à 20:41

    Il est parfois intéressant de sortir de ses lectures habituelles... Les échos positifs et ce qui en était dit m'avaient tentée et je ne l'ai pas regretté. J'espère qu'il en sera de même pour toi smile

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :