• Enfant de salaud

    Enfant de salaud

    "J’espérais qu’un jour ce lieu serait sanctifié. Le procès de Klaus Barbie aiderait à ramener la Maison en pleine lumière. Mais j’avais peur qu’il ne reste rien de ce froid, de ce silence, de cette odeur ancienne. Rien des bureaux, rien de la pomme tracée sur une ardoise, rien de l’amour de Paulette et Théo, rien des enfants vivants, à part un mémorial célébrant leur martyre. Une nécropole élevée à leurs rires absents." ****

    Cette Maison est celle des enfants d’Izieu, une colonie dans laquelle 44 enfants juifs avaient trouvé refuge avant d’être déportés au terme d’une rafle tristement célèbre. Sojr Chalandon vient se recueillir sur les lieux de cette tragédie qui le touche particulièrement pour des raisons à la fois professionnelles et personnelles. En tant que journaliste, il est chargé de suivre le procès de Klaus Barbie qui s’ouvre à Lyon en 1987. En tant que fils, il est hanté par une phrase prononcée par son grand-père : tu es un enfant de salaud.

    Le roman s’articule dès lors autour de ces deux axes : d’une part, le procès Barbie à travers les yeux du journaliste et d’autre part, l’enquête menée par le fils pour tenter de comprendre le père et ce qui a pu le pousser à porter l’uniforme allemand.

    J’avoue que je n’ai pas tout compris de cette enquête, tant la vie du père de l’auteur pendant la guerre a été tortueuse, au gré de ses enrôlements sous différents uniformes, et que l’intérêt de cette partie réside essentiellement, pour moi, dans la relation complexe d’un enfant face à un père qu’il ne comprend pas. Les passages relatifs au procès du Boucher de Lyon m’ont davantage émue, révoltée et intéressée. Emue par les témoignages des survivants, leurs frêles silhouettes à la barre, leurs détails insoutenables, révoltée par le cynisme de l’accusé, intéressée par le côté historique d’un procès que je n’ai pas suivi à l’époque.

    Sojr Chalandon assiste au procès sous le poids de cette dualité, fils de collabo et journaliste, avec en filigrane la présence de son père assis au fond de la salle, telle une ombre dont on ne parviendrait pas à se détacher. Sa déchirure intérieure est d’ailleurs magnifiquement exprimée dans ce passage : « Je ne voulais plus de cette lumière de juin qui baignait le prétoire. Plus des juges, des jurés, des avocats, des journalistes massés tout autour. Je ne voulais plus du public et de son chagrin. Je pénétrais dans une caverne creusée à même la roche glacée. La voix grave égrenait les noms. Des milliers de bougies tremblantes se reflétaient à l’infini. Je désirais que chaque enfant nous soit confié. Que chacun de nous devienne leur tombeau. »

     

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :