• Les fausses innocences

    Les fausses innocences"Toutes les choses vraiment atroces démarrent dans l'innocence." (Hemingway) *****

     

    1962, un petit village belge proche de la frontière allemande, paisible malgré les cicatrices de l’histoire. Le bourgmestre, Roger Müller, habite seul avec maman et mène une vie tranquille à défaut d’être passionnante. Elle va cependant prendre un tour inattendu lorsqu’il apporte son aide au médecin de Niederfeld, André Stembert : pour son plus grand malheur, ce dernier est lâchement trahi par sa voiture alors qu’il se préparait à quitter son épouse pour rejoindre sa maîtresse. Mais Roger ne l’entend pas de cette oreille : on ne quitte pas une femme comme Mathilda, que Roger aime depuis son adolescence, et il enjoint donc à son passager de regagner immédiatement le foyer conjugal.

    Car Mathilda, aux yeux de Roger, c’est un peu Tess d’Urberville : « Et pourquoi si souvent l’être grossier prend-il possession de l’être supérieur, l’homme de la femme pour laquelle il n’était point fait, la femme du compagnon qui n’était point pour elle ? » (Thomas Hardy). Comme Tess, elle a fini dans les bras de celui qui ne la méritait pas et peut-être a-t-elle même poussé la ressemblance plus loin. En effet, lorsqu’elle vient déclarer la mort de son mari sur une route d’Allemagne, Roger sait pertinemment qu’elle ne dit pas la vérité…

    Je ne vous en dirai pas plus et vous laisse le plaisir de la découverte par le biais des récits alternés de Roger et de Mathilda. Le style littéraire, comme toujours chez Armel Job, est soigné, les personnages à la fois nuancés et réalistes et l’intrigue, parfaitement maîtrisée, nous tient en haleine jusqu’au bout. J’ai apprécié en outre les touches d’humour qui émaillent le récit : les agonies factices de  la mère de Roger pour attirer son attention ou le punir, l’abstinence volontaire de monsieur le bourgmestre sur son territoire (« Premier magistrat de ma commune, officier de l’état civil, je me vois mal exhorter les jeunes mariées à la vertu entre deux coups de canif aux contrats de leurs mères. ») ou encore, à propos des rivalités entre catholiques et socialistes : « Mais, à Niederfeld, il n’y a d’enterrement civil que pour les chiens et les chats. Aux pires socialistes, ceux qui lui ont crié « A bas la calotte ! » leur vie durant, le curé Wallenborn adjuge une absoute sans sourciller. C’est sa façon d’avoir le dernier mot. »  Quelques touches de douceur également, comme cette phrase à propos des tendresses bafouées : « Qu’est-ce donc que cet entêtement de la nature humaine à piétiner ce qui s’offre pour courir après ce qui se refuse ? »

    Un roman policier d’atmosphère qui réjouira tant les amateurs d’intrigues subtiles que les amoureux de la langue française et que je ne peux que vous recommander…

     

    Du même auteur: 

    Helena Vannek

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