• The Last Talk with Lola FayeMagistral *****

    Il fallait être un grand écrivain pour oser construire un roman à suspense sur une conversation et c'est le défi qu'a brillamment relevé Thomas H. Cook avec « The Last Talk with Lola Faye ».

    Luke Paige, enseignant et écrivain, est abordé à l'issue de l'une de ses conférences par Lola Faye Gilroy, la femme qui a brisé son enfance par sa liaison avec le père de Luke et qu'il ne pensait jamais revoir. Au fil de ce dialogue inattendu, c'est tout leur passé qui resurgit, le voile se levant peu à peu sur les différents aspects de la tragédie qui a scellé leurs destins. Ambitions intellectuelles érodées par la médiocrité d'une petite ville de province, silences et non-dits familiaux, illusions et faux-semblants sont quelques-uns des thèmes récurrents de ce fabuleux roman.

    Subtil, fort et hypnotique, « The Last Talk with Lola Faye » est un petit bijou de suspense psychologique, la tension naissant de l'éclairage progressif des événements et des êtres. Ce n'est pas un thriller au sens habituel du terme et pourtant, le suspense est omniprésent et l'on se demande où va nous mener cet étrange dialogue initié par Lola Faye.

    Une vraie réussite qui ravira les fans de Thomas H. Cook et une belle manière pour les autres d'aborder son univers très particulier. Lola Faye ne fait pas partie de ces romans à suspense aussi vite oubliés qu'ils ont été lus; au contraire, c'est le genre de roman qui garde une emprise sur son lecteur une fois la dernière page refermée et lui laisse un arrière-goût amer et un étrange pincement au coeur.


    votre commentaire
  • Tom est mortLes mots justes *****

    Un roman à la fois sobre et bouleversant, une émotion qui vous prend à la gorge dès les premières lignes et ne vous lâche plus jusqu'au dernier paragraphe coup de poing, où la tragédie est enfin expliquée dans toute son atroce simplicité.

    "Tom est mort", c'est aussi la mort de la mère de Tom, qui dix ans après les faits essaie de coucher sur papier toute l'ampleur d'un chagrin qui ne s'atténue pas. Elle explore sa peine, revient sans concession sur l'épouvantable réalité du deuil, avec ces détails qui continuent à hanter le lecteur -les urnes kitsch proposées pour les cendres des enfants, le processus de crémation dans son abrupt réalisme, les petites dents de lait que Tom ne perdra jamais-, analyse ses sentiments et sa folle douleur sans complaisance mais avec une lucidité poignante.

    Ne vous attendez pas à un récit passionnant, il y a peu de mystère sinon la cause de la mort de Tom, révélée à la dernière page. Ce livre se lit comme un cri, comme le Cri de Munch auquel l'auteur fait d'ailleurs explicitement référence. Marie Darrieussecq a réussi à aborder un sujet épouvantable sans tomber dans le pathos, grâce à un style littéraire sobre mais très juste, avec des formulations qui font mouche et qui m'ont fait monter les larmes aux yeux plus d'une fois.

    Un livre inoubliable, dont le grand mérite est de nous rappeler que le bonheur, c'est peut-être tout simplement d'avoir tous ses enfants vivants.


    3 commentaires
  • GhostheartFort et émouvant *****

    Parution en français en 2018 : "Les fantômes de Manhattan"

    Après l'extraordinaire "A Quiet Belief in Angels", j'avais hâte de découvrir ce que cet auteur talentueux avait bien pu écrire d'autre et je n'ai nullement été déçue par "Ghostheart", qui confirme tout le bien que je pensais de R.J. Ellory.

    A la fois roman d'atmosphère et tragédie mêlant revanche et trahisons, "Ghostheart" nous emmène dans la vie d'Annie O'Neill, jeune femme solitaire et fragile qui gère une boutique de livres et a pour seule compagnie son voisin, Sullivan. L'arrivée simultanée de deux hommes va bouleverser son existence: Robert Forrester, qui vient lui parler de son père depuis longtemps disparu et lui remet un manuscrit, et David Quinn, avec qui elle va vivre une relation passionnée. Le lecteur est à la fois captivé par le destin d'Annie et par le récit qu'il découvre en même temps qu'elle dans le manuscrit, récit qui ravive les horreurs d'Auschwitz et dépeint la violence des gangs des années soixante... et qui a bien évidemment un rapport étroit avec le présent.

    La narration est solide, l'histoire intéressante et émouvante, et Ellory a réussi à écrire un roman noir, très brutal par moments, mais dans lequel les sentiments sont très vivaces: l'amour filial, la solitude, les promesses de silence tenues, l'amitié, l'amour et ses violences diverses.

    Un grand auteur assurément, à ne surtout pas manquer.


    4 commentaires

  • MörUn régal pour les amateurs de thrillers *****

    Le terme « régal » est tout à fait de mauvais goût, ainsi que vous le verrez une fois plongés dans ce thriller sanguinaire, et je l’assume J Après l’impressionnant « Block 46 », Johana Gustawsson nous emmène une fois de plus dans une histoire de serial killer doublée d’un voyage historique, cette fois dans les rues de Whitechapel en 1888, lorsque Jack l’Eventreur a fait frémir les bas-fonds londoniens.

    Le lecteur de « Block 46 » retrouvera avec plaisir ses deux héroïnes, la profileuse Emily Roy et l’écrivain Alexis Castells, dans un récit qui se déroule simultanément en Angleterre et en Suède, à la fois dans le présent et dans le passé. Deux affaires criminelles impliquant des jeunes femmes –la disparition de l’actrice Julianne Bell à Londres et la découverte d’un corps mutilé à Halmstad-  font écho aux méthodes d’un criminel en série, Richard Hemfield… lequel est détenu dans l’unité psychiatrique de Broadmoor depuis dix ans pour six meurtres de jeunes femmes et ne peut donc être tenu responsable de ces derniers cas à moins d’avoir le don d’ubiquité. La question de l’implication ou de l’innocence de Richard Hemfield a une résonance d’autant plus douloureuse dans la vie d’Alexis que l’arrestation d’Hemfield à l’époque des meurtres de Tower Hamlets a eu pour elle des conséquences inattendues et dramatiques.

    Sans être aussi impressionnant que « Block 46 » (auquel le contexte de l’holocauste donnait davantage d’impact), « Mör » est un thriller très réussi. Les chapitres emmènent le lecteur d’une époque à l’autre et d’un lieu géographique à l’autre, sans temps mort, au fil d’une intrigue complexe dont tous les éléments s’emboîtent à la fin. Comme dans tout bon roman à suspense, le prologue intrigue (un homme comparaît devant une juridiction sans que l’on en connaisse la raison et fixe les lobes d’oreille de la juge d’une manière à tout le moins… inquiétante) et le dénouement réserve son lot de rebondissements. Une lecture très agréable qui ravira les amateurs du genre. 

    Du même auteur: Block 46


    votre commentaire
  • Les furiesUne furieuse envie d'abandonner... *

    Ce roman avait a priori tout pour me plaire: une réflexion sur le couple et ses secrets, dans un style littéraire annoncé brillant et parsemé de références culturelles, sans oublier des critiques dithyrambiques (notamment Amazon.com’s Best Book of the Year, finaliste du National Book Award 2015 et surtout, le livre de l’année selon Barack Obama himself). L’histoire est celle d’un couple, Lotto et Mathilde, lui dramaturge, elle femme de l’ombre, dont les deux perspectives vont se succéder dans le roman : la première partie est le récit de Lotto, la seconde celui de Mathilde, venant donner une perspective nouvelle aux événements relatés auparavant.

    Et pourtant, je dois avouer que je me suis profondément ennuyée. La première partie m’a paru interminable mais je me suis obstinée, plusieurs lecteurs affirmant que la seconde valait la peine de persévérer. En effet, la narration de Mathilde est beaucoup plus plaisante et intéressante mais l’ensemble ne m’a pas convaincue. En toute objectivité, je reconnais au livre des qualités certaines (certains passages sont très bien écrits et l’intrigue comporte quelques révélations dans la seconde partie) mais en ce qui me concerne, je suis restée à quai. J’ai trouvé les deux héros antipathiques, voire même horripilants, et je n’ai éprouvé ni passion ni compassion pour leur vécu… ce que personnellement, j’attends de la littérature. Je suis cependant persuadée que cette histoire, présentée différemment et avec moins de fioritures, aurait pu réellement me plaire.

    Par ailleurs, à l’exception de quelques passages d’une beauté fulgurante, l’écriture m’a paru pompeuse et artificielle, avec des interventions narratives entre crochets dont je ne perçois pas la pertinence, et de longues digressions sur les œuvres théâtrales de Lotto que j’ai fini par lire en diagonale. Je peux cependant concevoir aisément que certains y trouvent leur bonheur et je ne suis guère étonnée que ce livre ait eu des avis tellement contradictoires. Je pense qu’il s’agit d’une œuvre objectivement bonne mais à laquelle le lecteur n’adhérera pas forcément… comme ce fut mon cas. 


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique