• Mockingbird SongsMockingbird SongsQuand le roman policier se fait littéraire *****

    Les amateurs de romans à la fois policiers et littéraires seront une nouvelle fois comblés par « Mockingbird Songs » de RJ Ellory.

    L’intrigue pourrait être celle d’un roman ordinaire et peut se résumer comme suit. Henry Quinn termine de purger une peine de prison à Reeves, où il a été détenu pendant trois ans suite à une erreur de jeunesse aux conséquences dramatiques. Il a survécu à sa difficile détention grâce à un autre détenu, Evan Riggs, condamné quant à lui à finir ses jours à Reeves. Evan demande une faveur apparemment simple à Henry : remettre une lettre à sa fille Sarah, qu’il ne connaît pas et dont il sait seulement qu’elle a été adoptée. La seule information donnée à Henry est qu’il doit s’adresser à Carson Riggs, frère d’Evan et shérif tout-puissant d’une petite ville du Texas, Calvary. Fidèle à sa promesse, Henry réalisera cependant rapidement qu’elle est tout sauf aisée à respecter, Calvary étant un lieu de drames, de secrets et de non-dits. Le suspense et l’envie irrésistible d’en savoir plus sont assurés d’une part par la narration alternée de la quête d’Henry et de l’histoire ancienne des frères Riggs, et d’autre part par des allusions semées en fin de chapitre, présages des drames à venir (« <…> he felt strangely and uncomfortably afraid, not only for Carson but for everyone else as well. »)

    Le point fort de ce roman et de l’auteur de manière générale est de transcender l’histoire  -qui est  déjà intéressante en soi-  pour en faire une œuvre littéraire. J’entends par là une œuvre dont l’écriture est un régal et où les sentiments sont exprimés de manière souvent percutante par le biais d’une formule dont la justesse est l’apanage des grands écrivains. Qu’il s’agisse de relations humaines (« Some people  -a rare handful-  left their fingerprints on your soul”), de l’amour pour une femme (« She makes my mind quiet and my heart loud ») ou du déchirement amoureux (« They were that different, and it was as if she possessed no magnetic pole at all and was being pulled both north and south simultaneously”), le lecteur de RJ Ellory trouve toujours çà et là, au détour d’une page, des mots, une image, qui raviront les amateurs de belles lettres. Il arrive également que le roman prenne une dimension plus philosophique, voire religieuse : « War changes a man. It changes his eyes, his mind, his heart, his soul. It teaches him about impermanence and fragility. It shows him the holes in the master plan, and it questions his belief in God. Most often undermines it as well.”

    Vous aurez compris que je vous recommande chaleureusement ce roman, excellent tant au niveau du fond que de la forme.


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  • MagnifiqueMagnifique *****

    Complètement séduite par "L'heure trouble" de Johan Theorin, je me suis précipitée sur "L'écho des morts"... et je n'ai pas été déçue. Theorin a une extraordinaire capacité à nous plonger dès les premières pages dans un autre univers, une autre dimension, grâce à une atmosphère incomparable.

    Il vaut mieux ne pas trop détailler l'intrigue, de crainte d'en dévoiler trop et de gâcher le plaisir. Sans doute suffit-il de dire que le récit est centré sur l'arrivée sur l'île d'Oland de Joakim et Katrine Westin et de leurs deux enfants, qui quittent Stockholm suite à une tragédie personnelle... pour être frappés de plein fouet par un autre drame.

    L'intrigue policière en elle-même n'a rien d'exceptionnel et pourtant, elle subjugue le lecteur du début à la fin, pour deux raisons me semble-t-il. La première est sans nul doute l'atmosphère arctique du roman. On se perd dans les brumes glacées, on croit sentir les vents de la Baltique, on frémit pour les marins qui ne reviennent pas et dont on entend encore les cris, selon les légendes. Un parfum de surnaturel, une ambiance de tristesse et de nostalgie parfaitement servie par le cadre naturel dans lequel les personnages évoluent.

    La seconde est la façon dont Theorin construit son roman. Il nous fait voyager entre passé et présent, entre morts et vivants, nous faisant découvrir progressivement les tragédies des jours anciens et le drame qui vient de se dérouler, s'appuyant pour ce faire sur des personnages pour lesquels on ressent une profonde empathie, que ce soient Joakim Westin ou la jeune policière Tilda qui vient d'arriver sur l'île. Les différents fils narratifs de l'histoire se rejoignent finalement de façon tout à fait satisfaisante, dévoilant ce qui s'est passé mais sans tout à fait enlever cette part de mystère et de fantastique qui élève ce roman bien au-delà des récits policiers classiques.

    A lire sans modération, pour ma part, j'attends le prochain avec impatience...


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    Se résoudre aux adieuxVoyage doux amer dans les méandres de la rupture amoureuse *****

    Séduite par « Arrête avec tes mensonges » et par la plume de son auteur, j’ai eu envie de découvrir une autre œuvre de Philippe Besson et l’élégance du titre « Se résoudre aux adieux » a contribué à mon choix.

    « Se résoudre aux adieux » est le récit d’une banale rupture amoureuse, élevée par la magie de l’écriture au rang d’œuvre littéraire. Ce récit est présenté sous forme de lettres que Louise, la femme abandonnée, écrit sans attente de retour à Clément, l’homme volage qui menait une double vie et a fini par trancher. Au fil d’un voyage aux escales diverses  -La Havane, New York, Venise, l’Orient-Express, Paris-, Louise tente de guérir sa profonde blessure par l’écriture, avec pour seul destinataire Clément, puisque des paroles sans destinataire, « c’est écrire au vent, au désert, à l’abîme ». Elle revient sans complaisance sur son histoire avec Clément, qui est de celles où la souffrance est à la mesure du bonheur éprouvé (« Et puis, j’ai vécu une belle histoire. On est forcément reconnaissant à ceux qui nous gratifient d’une belle histoire. Ce n’est pas donné à tout le monde. J’ai été heureuse, vraiment. Heureuse et peureuse, au même moment, cela peut paraître étrange. Et le bonheur est passé. La peur, elle, est restée. »).

    L’intrigue est réduite à sa plus simple expression, puisqu’il ne se passe pas grand-chose si l’on s’en tient aux faits. Par contre, Philippe Besson parvient à capturer magnifiquement l’âme d’une femme et il décrit avec une précision presque analytique les étapes successives de la souffrance de l’amoureuse abandonnée, dans une histoire dès le départ vouée à l’échec (« Dès le commencement de notre histoire, j’ai admis que tu étais plus fort que moi, que ma défaite était inéluctable. Je ne peux donc prétendre ignorer dans quel état je finirais : en lambeaux. Faible mais lucide. Au fond, j’ai ce que je mérite. »).

     

    Ce roman m’a beaucoup touchée par sa finesse dans l’analyse du ressenti de l’héroïne, femme indépendante et pourtant si fragile dès lors qu’elle s’abandonne au sentiment amoureux. Elle m’a rappelé la narratrice de « Passion simple » d’Annie Ernaux, provoquant le même mélange d’agacement devant tant de dépendance puérile et de compassion face à la douleur si vive de quelqu’un qui est à genoux. Une très belle lecture, un voyage doux amer dans les méandres d’une âme de femme, magnifiquement narré par un homme.

     

    Vous aimerez peut-être:

    Annie Ernaux, Passion simple

    Pascale Joye, Ce qu'il restera de nous

     

    Du même auteur:

    Son frère

    Arrête avec tes mensonges

    Les jours fragiles

    Un homme accidentel


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    NuitJubilatoire *****

    Le terme est peut-être inopportun compte tenu des noirceurs de l’âme humaine omniprésentes dans ce roman mais quel plaisir ce fut de lire un polar de cette qualité !

    « Nuit » est le quatrième roman de Bernard Minier qui met en scène le commandant Servaz, après « Glacé », « Le cercle » et « N’éteins pas la lumière » ; il est vivement conseillé de les lire dans l’ordre, d’une part pour mieux  comprendre les événements et d’autre part pour éviter de « spoiler » les premiers si vous décidiez de les lire par après.

    Après un prélude angoissant dans un train de nuit, le récit commence par la mise en scène macabre d’un meurtre en Norvège, celui d’une jeune femme travaillant sur une plate-forme pétrolière. La policière norvégienne Kirsten Nigaard est dépêchée sur les lieux et un suspect –un travailleur manquant à l’appel-  est rapidement identifié. Dans sa cabine, les enquêteurs trouvent des photos sur lesquelles figurent d’une part un petit garçon blond (« Gustav ») et d’autre part,  le policier français Martin Servaz. Ce dernier a fait apparemment l’objet d’une étroite surveillance de la part du meurtrier présumé… le psychopathe Julian Hirtmann, assassin multirécidiviste qui nous avait fait frémir dans les opus précédents. Après cette entrée en matière saisissante, Bernard Minier nous emmène dans une intrigue diaboliquement captivante, riche en péripéties et en rebondissements.

    En me renseignant sur le livre et en apprenant qu’il s’agissait d’un face-à-face entre Servaz et Hirtmann, je craignais que l’auteur ne verse dans la facilité en se reposant sur les lauriers de ses premiers écrits. Tel n’est absolument pas le cas : le récit m’a passionnée jusqu’au bout, j’ai été surprise plus d’une fois (ce qui n’est plus si fréquent lorsqu’on lit beaucoup de romans policiers) et j’ai admiré l’ingéniosité grâce à laquelle tous les faits s’enchaînaient et se recoupaient. Quant à la fin, elle nous donne tout simplement envie de supplier l’auteur de se remettre très vite au travail smile.

    Par ailleurs, contrairement à certains auteurs qui se contentent de relater des faits, Bernard Minier a un talent particulier pour créer une atmosphère, que ce soient la menace latente dans un train de nuit, une plate-forme pétrolière battue par les vents, l’ambiance sinistre d’un asile psychiatrique désaffecté ou encore un huis-clos oppressant dans un refuge de montagne. La montagne et la neige sont omniprésentes en filigrane de ce roman et contribuent à donner aux scènes et aux événements un cachet particulier : « Cependant, il n’y avait personne à des kilomètres à la ronde pour l’entendre. Seule l’indifférence plurimillénaire des montagnes. Le vent violent chassait les nuages et, dans leurs déchirures, les étoiles jetaient sur eux leur regard immémorial. La lune semblait voguer à toute vitesse entre les nuages, comme un navire entre les écueils, alors que c’était eux qui se déplaçaient devant elle. »

    Si vous cherchez l’alliance parfaite entre une intrigue foisonnante et un style littéraire soigné, n’hésitez pas et enfoncez-vous dans cette « Nuit » qui est peut-être le meilleur Minier à ce jour.

     

     

    Du même auteur:

    N'éteins pas la lumière

    Soeurs

     

     


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  • Je voyage seuleBon divertissement pour les amateurs de romans noirs ***

    Après un prologue mystérieux  -un bébé disparaît d’une maternité-, « Je voyage seule » nous plonge directement au cœur de l’horreur : une petite fille est retrouvée pendue à un arbre, avec autour du cou une pancarte, « Je voyage seule ». Holger Munch est chargé de l’enquête et fait appel à son ex-collègue, Mia Krüger ; celle-ci s’est retirée sur une île dans l’intention de mettre fin à ses jours suite à un drame personnel mais elle remarque un détail troublant lui donnant à penser que la petite fille n’est que la première d’une longue série et accepte dès lors de mettre ses compétences au service de l’enquête. Une seconde intrigue vient se greffer sur celle-ci, basée cette fois sur les agissements d’une secte.

    « Je voyage seule » est un bon roman policier, qui utilise tous les ressorts du genre : alternance des points de vue narratifs pour assurer le suspense, passé douloureux des personnages et des policiers, course contre la montre pour mettre un terme à la série macabre. Cela étant dit, certaines critiques et publicités (« best-seller partout en Europe ») m’avaient peut-être préparée à une découverte plus saisissante que celle-ci : je n’ai pas eu l’impression d’entendre vraiment une nouvelle voix dans le polar scandinave et des livres comme « La femme en vert » d’Indridason m’ont laissé une empreinte beaucoup plus forte.

    Par ailleurs, mon côté rationnel a toujours un peu de mal avec la logique et les motivations des tueurs en série   -mais ceci est bien sûr un point de vue purement personnel-  et les explications de leurs agissements me paraissent toujours un peu farfelues.

    En résumé, le livre remplit parfaitement son contrat dans le genre « roman policier à suspense » et si vous aimez ce genre-là et si vous ne vous attendez pas à un bijou littéraire, vous passerez un bon moment… 


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