• I found you I found you Parution en français: 18 avril 2018 

    «Alice sees that the man is still there. He’s no longer in the middle of the beach. He’s moved back towards the sea wall and he’s sitting on a pile of rope. His face is turned up to the sky and his eyes are closed and something inside Alice aches  when  she looks at him. “ *****

    (mise en garde: le résumé disponible sur Amazon France contient des "spoilers": à éviter ! frown)

    Dans un petit cottage en bord de mer, à Ridinghouse Bay dans le Yorkshire, Alice gère tant bien que mal sa vie de mère célibataire un peu bohème, entourée de ses trois enfants (de pères différents... et absents) et de ses trois chiens. Lorsqu’elle aperçoit sur la plage un homme qui fixe la mer pendant des heures, immobile et trempé jusqu’aux os, elle se prend de pitié pour lui et l’accueille chez elle, tout en sachant pertinemment que ce n’est pas très raisonnable d’ouvrir sa porte à un inconnu qui ne se souvient même pas de son nom…

    Alors même qu’Alice joue les bons Samaritains, une jeune femme, Lily, constate la disparition de son époux, Carl : il n’est pas rentré de son travail et ne répond pas au téléphone. Ils ne sont mariés que depuis quelques semaines et Lily comprend très vite que l’absence de Carl est plus qu’inquiétante. D’autant plus qu’il semblerait que sa vie comporte des zones d’ombre dont il n’a touché mot à sa jeune épouse...

    Les deux récits sont interrompus par des flashbacks : des vacances familiales à Ridinghouse Bay en 1993, un couple ordinaire et ses deux enfants, un bonheur tranquille et un séjour qui va rapidement tourner au cauchemar.

    Quel est le lien entre ces trois narrations ?  C’est ce que le lecteur sera amené à découvrir au fil d’une lecture très agréable, captivante même, l’alternance entre les points de vue assurant un suspense continu. L’histoire qui prend forme sous nos yeux est émouvante et met en scène des personnages réalistes, porteurs de fêlures diverses ; le ton est juste, l’écriture fluide et non dépourvue d’humour malgré les faits tragiques relatés.

    Un suspense psychologique que j’ai beaucoup aimé et qui m’a rappelé l’excellent « Te laisser partir » de Clare Mackintosh.

     

     

    Vous aimerez peut-être:

    Clare Mackintosh, Te laisser partir

     


    votre commentaire
  • Le cri

    «Depuis mon cœur crevé je vais faire ça, raconter ta mort, ta maladie, ton agonie. Du jeudi 19 au lundi 23 décembre ; quatre jours, trois p’tits tours et puis s’en vont. Je vais relater dans le détail ta lutte, ton combat, blitzkrieg, parce que, putain, qu’est-ce que tu as été forte dans cette traversée de la fièvre et de la douleur ». *****

    Une phrase de Christian Bobin ne m’a pas quittée lors de cette lecture bouleversante : «L’écriture, c’est le cœur qui éclate en silence». Tout au long de ces pages de douleur, on a l’impression de voir éclater peu à peu le cœur de la narratrice, Sophie, dont la fille Camille est emportée à l’âge de seize ans par une maladie foudroyante, en quatre jours seulement. Sophie raconte l’enfer, et puis l’après : les jours terribles jusqu’à l’enterrement, les quelques mois qui ont suivi. Elle raconte aussi Camille, au point que l’on a l’impression de la voir vivre sous la plume de sa mère, avec sa blondeur, ses yeux bleus, sa joie de vivre, ses habitudes d’adolescente.

    Dès le début, l’auteure promet à sa fille d’éviter «le sirop de deuil un peu gluant, poème pompeux, élégie larmoyante» pour «inaugurer ton outre-vie» et elle y réussit parfaitement. La nature même de ce récit pourrait aisément le faire basculer dans le pathos mais tel n’est pas le cas ici. C’est une douleur authentique, insoutenable, qui frémit à chaque page tout en restant pourtant sobre et pudique.

    Sophie Daull écrit magnifiquement bien et parvient de ce fait à élever le témoignage au rang d’œuvre littéraire, alliant la magie de l’écriture à la force de la tragédie vécue. Le roman a à la fois les résonances de la vraie vie (l’après-deuil, les formalités concrètes à régler, l’annonce terrible à faire aux amis) et celles de la littérature ("te redonner de la lumière, nous aveugler toutes les deux dans le scintillement de la mer en allée avec le soleil. Elle est trouvée, l’éternité. Rimbaud est mort ici, tu sais.")

    Je ne suis pas une habituée des livres-témoignages et je m’étais dit à l’entame de cette lecture que quoi qu’il en soit, je ne pourrais rédiger de chronique négative d’un récit à ce point taillé dans la douleur. La question ne se pose pas, j’ai été happée par ce roman de bout en bout, le lisant presque d’une traite avec une boule dans la gorge et, fait rarissime, le finissant en larmes. J’avais été bouleversée il y a bien longtemps par «Tom est mort» de Marie Darrieussecq et j’ai retrouvé dans «Camille, mon envolée» cette même émotion terrifiante que l’auteur transmet au lecteur. De manière très significative, les deux mères narratrices font d’ailleurs référence à la même œuvre artistique pour se décrire au cœur de la douleur : «Le cri » de Munch…

    Une œuvre très forte, vous l’aurez compris, et qui ne laisse pas indemne.

     

     

     

     

     

     


    votre commentaire
  • « La tête de la fille reposait sur un petit tas de feuilles orange et marron.

    Ses  yeux  en  amande  fixaient la canopée des sycomores, des hêtres  et des chênes, sans voir les doigts du soleil s’enfoncer timidement entre les branches  pour saupoudrer d’or les sous-bois. Les paupières ne clignaient pas alors même que des scarabées noirs et brillants s’affairaient sur les pupilles. Ses  yeux ne voyaient plus rien, sinon les ténèbres. »  ****

    C’est par ce prologue poético-macabre que commence le premier roman de C.J. Tudor, « The Chalk Man » (« L’homme craie »).  En 1986, dans la petite ville d’Anderbury, un groupe d’enfants fait une terrible découverte : le corps démembré d’une jeune fille dans les bois. Ed, le narrateur, alors âgé de douze ans, raconte comment ses amis et lui ont suivi une piste de dessins de craie  -leur code habituel pour échanger des messages-  pour se retrouver face à ce corps décapité.

    Le roman va alors alterner le récit d’Ed enfant et celui d’Ed trente ans plus tard, alors qu’il vient de recevoir une enveloppe contenant un morceau de craie et un dessin. Une missive similaire a été envoyée à ses copains d’alors et l’un d’entre eux, Mickey, se présente chez Ed : il souhaite revenir sur les événements dramatiques de leur enfance et prétend même savoir ce qui s’est passé…

    «L’homme craie» est étonnamment abouti pour un premier roman et je l’ai lu avec beaucoup de plaisir. On y trouve les ingrédients classiques d’une bonne intrigue policière (alternance du passé et du présent, fausses pistes multiples), avec en outre une belle écriture (ce qui n’est hélas pas toujours le cas dans le genre) et beaucoup de finesse dans la perception (l’auteur passe avec beaucoup d’aisance du regard d’Ed enfant à celui de l’adulte qu’il est devenu, le tout avec une grande justesse). Pas particulièrement original mais la recette, bien appliquée, est efficace et l’auteure parvient en outre à recréer l’atmosphère pesante d’une petite ville qui est soudain comme suspendue dans le temps et qui semble avoir perdu toute couleur et toute possibilité d’innocence. Quelques détails macabres feront également le bonheur des amateurs de sordide smile

    Une lecture très agréable et un auteur à suivre.


    votre commentaire
  • Une femme que j'aimais

    «La beauté d’Adrienne était bienveillante. Peut-être avait-elle plus d’assurance dans sa jeunesse, avant que quelque chose ne la rende modeste. Des expériences douloureuses, ce que les gens comme moi, qui n’ont jamais beaucoup souffert, appellent révérencieusement le creuset de la souffrance.»  ****

    Claude éprouve une tendre fascination pour sa tante Adrienne, à qui il a pris l’habitude de rendre visite chaque samedi.  Une fascination telle que de son propre aveu, il aurait peut-être été préférable qu’il ne la revoie pas : «aux femmes que j’ai connues ensuite, je n’aurais pas opposé l’image d’Adrienne, objet de ma vénération et de mes remords, qui a rendu toutes mes amours lamentables.»

    Pourtant, lorsqu’Adrienne tente de lui faire part d’un lourd secret, Claude n’est pas prêt à l’entendre et il choisit de se dérober à la confidence. Mal lui en prend car Adrienne est retrouvée morte dans sa villa quelques semaines plus tard et l’imagination de Claude a tôt fait de trouver les circonstances suspectes. La mort est considérée comme naturelle ? Qu’à cela ne tienne, l’aide-pharmacien se fait Hercule Poirot et commence à enquêter sur le passé de sa tante… qu’il semble n’avoir pas aussi bien connue qu’il le pensait.

    «Une femme que j’aimais» est un roman très agréable à lire, le lecteur suivant le narrateur pas à pas au fil de sa quête d’Adrienne. De sentiments nobles en bassesses ordinaires, de fausses pistes en douleurs intimes, il découvre avec lui une femme séduisante et mystérieuse, qui se souvient encore de la poésie de Verlaine et qui, sur la plage, scrute l’horizon et hume l’air marin dans une «attitude sauvage, presque animale».

    L’histoire est bien sûr mélancolique, vous l’aurez compris, mais non dépourvue d’humour malgré tout, Armel Job distillant çà et là des expressions savoureuses qui m’ont fait (sou)rire plus d’une fois. A titre d’exemple, l’impression du narrateur, enfant, lorsqu’il accompagne sa mère au salon de coiffure, d'être «un petit eunuque dans un hammam», ou encore cet éloge surréaliste des frites mangées sur le trottoir : «A présent que je reprenais goût à la vie,  cependant, le goût des frites me revenait conjointement. <…> Les déprimés, les élégants, les prétentieux  -toutes personnes qui grignotent la vie du bout des dents- ne mangeront jamais de frites sur le trottoir. Il n’y a que les optimistes pour se livrer à cette manducation jubilatoire. La frite est à l’homme libre ce que l’hostie est au dévot.»

    Et si la couleur locale est celle du Borinage, cela n’empêche pas l’auteur de faire un clin d’œil aux Liégeois : «Il s’est incliné avec la formule : «Monsieur m’en dira tant…» qui, assaisonnée à l’accent liégeois, devenait presque : «Monsieur maudira tant…»

    Un émouvant portrait de femme, une écriture fluide, des tranches de vie ordinaires et des tragédies qui le sont moins : une belle lecture que je vous recommande sans hésiter.

    Je remercie monsieur Armel Job d’avoir eu la délicate attention de me faire parvenir ce roman en avant-première.

     

    Du même auteur :

    Et je serai toujours avec toi

    Tu ne jugeras point

    Les fausses innocences

    Helena Vannek

    En son absence


    votre commentaire
  • D'après une histoire vraieJeu de miroirs ****

    Prix Renaudot 2015

    Prix Goncourt des Lycéens

    « De certains mots, de certains regards, on ne guérit pas. Malgré le temps qui passe, malgré la douceur d’autres mots et d’autres regards. »

    Ce roman de Delphine de Vigan est difficile à cataloguer car très particulier et en tout cas très différent de ceux que j’avais pu lire précédemment, « Les heures souterraines » et « Rien ne s’oppose à la nuit ». « D’après une histoire vraie » tient en effet à la fois du roman à suspense, avec un clin d’œil appuyé à « Misery » de Stephen King, et de la réflexion sur le vertige de la page blanche, tout se jouant du lecteur avec subtilité, jusqu’à la toute dernière ligne : quelle est la part de vérité et de fiction dans ce qu’il vient de lire ?

    La narratrice, Delphine, est un écrivain en manque d’inspiration après la publication d’un livre très personnel sur sa famille, publication dont elle n’avait pas imaginé l’impact et qui lui vaut en outre de recevoir des lettres de menace. Elle a l’impression terrifiante d’avoir écrit son dernier livre, comme si plus rien n’était possible après un tel roman : « Un livre au-delà duquel il n’y avait rien, au-delà duquel rien ne pouvait s’écrire. Le livre avait bouclé la boucle, brisé l’alchimie, mis un terme à l’élan ».

    C’est alors qu’une inconnue, L., entre dans sa vie : une amitié naissante qui prend de plus en plus de place mais acceptée avec reconnaissance par Delphine, qui doit faire face à la fois au départ de ses grands enfants de la maison et à ses interrogations d’écrivain. L. profite de la fragilité de Delphine pour imposer peu à peu une étrange relation vampirisante dont les motivations restent difficiles à déceler…

    Ce livre est intéressant par les multiples questions qu’il soulève. Le thème de la véracité de la fiction est abordé à de nombreuses reprises : «L’écriture doit être une recherche de vérité, sinon elle n’est rien. <…> Il n’y a d’écriture que l’écriture de soi. < …>  Ils <les lecteurs> veulent savoir de quoi tu es faite, d’où tu viens. Quelle violence a engendré l’écrivain que tu es.» Les ressemblances avec l’auteur sont bien sûr volontaires : le prénom, le compagnon, François, les romans publiés auxquels il est fait référence : l’on ne peut dès lors que se demander si Delphine a réellement vécu ce qu’elle raconte, ou si au contraire il s’agit d’une mise en abyme particulièrement réussie où L. elle-même serait un personnage de fiction…

    Je pense que ceux qui s’attendent à un roman à suspense palpitant resteront sur leur faim et j’ai eu l’occasion de lire plusieurs réactions mitigées de lecteurs surpris et déçus. J’ai quant à moi trouvé la thématique intéressante : l’installation d’une relation toxique mais aussi, plus largement, l’angoisse de l’écrivain ainsi que la relation entre lui et son lecteur, entre la vérité et la fiction. Une écriture fluide et plaisante et une oeuvre qui mérite que l'on s'y arrête. 


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique