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L'homme craie
« La tête de la fille reposait sur un petit tas de feuilles orange et marron.
Ses yeux en amande fixaient la canopée des sycomores, des hêtres et des chênes, sans voir les doigts du soleil s’enfoncer timidement entre les branches pour saupoudrer d’or les sous-bois. Les paupières ne clignaient pas alors même que des scarabées noirs et brillants s’affairaient sur les pupilles. Ses yeux ne voyaient plus rien, sinon les ténèbres. » ****
C’est par ce prologue poético-macabre que commence le premier roman de C.J. Tudor, « The Chalk Man » (« L’homme craie »). En 1986, dans la petite ville d’Anderbury, un groupe d’enfants fait une terrible découverte : le corps démembré d’une jeune fille dans les bois. Ed, le narrateur, alors âgé de douze ans, raconte comment ses amis et lui ont suivi une piste de dessins de craie -leur code habituel pour échanger des messages- pour se retrouver face à ce corps décapité.
Le roman va alors alterner le récit d’Ed enfant et celui d’Ed trente ans plus tard, alors qu’il vient de recevoir une enveloppe contenant un morceau de craie et un dessin. Une missive similaire a été envoyée à ses copains d’alors et l’un d’entre eux, Mickey, se présente chez Ed : il souhaite revenir sur les événements dramatiques de leur enfance et prétend même savoir ce qui s’est passé…
«L’homme craie» est étonnamment abouti pour un premier roman et je l’ai lu avec beaucoup de plaisir. On y trouve les ingrédients classiques d’une bonne intrigue policière (alternance du passé et du présent, fausses pistes multiples), avec en outre une belle écriture (ce qui n’est hélas pas toujours le cas dans le genre) et beaucoup de finesse dans la perception (l’auteur passe avec beaucoup d’aisance du regard d’Ed enfant à celui de l’adulte qu’il est devenu, le tout avec une grande justesse). Pas particulièrement original mais la recette, bien appliquée, est efficace et l’auteure parvient en outre à recréer l’atmosphère pesante d’une petite ville qui est soudain comme suspendue dans le temps et qui semble avoir perdu toute couleur et toute possibilité d’innocence. Quelques détails macabres feront également le bonheur des amateurs de sordide
Une lecture très agréable et un auteur à suivre.
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