• Eight Perfect Murders

    Eight Perfect MurdersBalade dans la littérature policière *****

    Le pitch de “Eight Perfect Murders” a eu sur l’amatrice de littérature policière que je suis un attrait aussi irrésistible d’une tablette de chocolat très noir smile Jugez plutôt…

    Malcolm Kershaw est le propriétaire d’un magasin de romans policiers et il connaît très bien son sujet : il a d’ailleurs rédigé en son temps l’une ou l’autre liste pour son blog, dont l’une énumérant huit «crimes parfaits» de la littérature policière (oublions toute considération morale, on entend par là huit meurtres tellement bien exécutés que leur auteur ne sera jamais arrêté, voire même soupçonné). Le lecteur averti y retrouve avec délices certains de ses plus grands frissons (Agatha Christie, Patricia Highsmith)… et s’empresse de noter les autres pour sa future liste d’envies littéraires.

    Cependant, il aurait peut-être mieux valu pour Malcolm d’établir un «top 8» des plus belles histoires d’amour… Car lorsque l’agent du FBI Gwen Mulney se présente à sa porte, c’est pour lui communiquer de bien étranges soupçons : plusieurs meurtres commis récemment semblent directement inspirés des crimes parfaits de la littérature. Et de manière très étrange, tous se retrouvent sur la liste en question…

    Difficile d’en dire plus sur l’intrigue au risque de spoiler et il vous suffira de savoir que je me réjouissais de m’y replonger (très bon signe, ça wink2) et que j’ai été surprise plus d’une fois. Peter Swanson connaît manifestement ses classiques et il les revisite de manière très plaisante, faisant revivre à son lecteur les énigmes les plus célèbres de la littérature policière dans une intrigue propre (pas particulièrement crédible, certes, mais ce n'est pas vraiment l'essentiel ici... la "suspension of disbelief" est parfois bien agréable).

    A cet égard, une énooooooorme mise en garde s’impose. En effet, le concept même du roman rendait inévitable la « divulgachion »  de ces mêmes énigmes et si j’ai pris tant de plaisir à le lire, c’est bien parce que je les connaissais déjà et que leur résolution était tellement inoubliable que je m’en souvenais parfaitement.

    Alors de grâce, si par impossible vous ne connaissez pas «ABC contre Poirot», «Le meurtre de Roger Ackroyd», «Les dix petits nègres» ou encore «L’inconnu du Nord Express», lisez-les d’abord… A défaut, vous risquez de regretter à jamais d’en avoir connu la fin sans avoir le plaisir de leur découverte.

    Pour une fois, nous avons droit à un bon roman à suspense qui ne met pas en scène un « gentil-mari-qui-est-en-fait-un-psychopathe » (j’avoue que cela devient lassant) et qui m’a procuré un excellent moment de divertissement.

    Du même auteur:

    Parce qu'ils le méritaient

     


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  • Et les vivants autour

    Glauque et addictif ****

    Si vous souhaitez un moment de distraction en ces jours anxiogènes, n’hésitez surtout pas à vous plonger dans le dernier roman de ma compatriote Barbara Abel, vous passerez un très bon moment de lecture.

    Je concède que le point de départ du roman n’est pas des plus joyeux : cela fait en effet quatre ans que Jeanne est dans le coma suite à un accident de voiture. Quatre ans que Jeanne n’est plus qu’un corps vivant mais si peu, un cerveau presque mort, une plante maintenue en vie par des machines : guère palpitant, me direz-vous, et certainement pas de nature à chasser vos idées moroses.

    Mais autour de Jeanne, il y a les vivants… Des parents, un mari, une sœur. Et heureusement pour le lecteur, chacun a ses petits secrets, le plus souvent inavouables bien sûr, et Barbara Abel nous emmène de main de maître et avec beaucoup de justesse dans le labyrinthe glauque de cette famille apparemment sans histoires, alors même qu’ils sont convoqués par le médecin de Jeanne et spéculent sur l’arrêt possible des traitements. Ils sont pourtant bien loin de se douter de ce que le docteur Goossens va leur annoncer…

    Le rythme est soutenu grâce à l’alternance des points de vue, les révélations se succèdent, les failles se dévoilent et les différents événements s’enchaînent avec brio pour construire un très bon suspense psychologique (et non une réflexion approfondie sur la fin de vie comme l’on pourrait s’y attendre, bien que le sujet soit évidemment évoqué). A partir d’un fait divers réel, l’imaginative Barbara Abel tisse sa toile diabolique et le lecteur s’y laisse prendre pour son plus grand bonheur.

    Un bon moment de lecture que je vous recommande si vous aimez les histoires de familles dysfonctionnelles J 

     

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    Je t'aime

    L'instinct maternel


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  • Les choses humainesZone grise ****

    «Vivre, c’est s’habituer à revoir ses prétentions à la baisse. »

    Claire et Jean Farel semblent avoir ce que l’on appelle communément «tout pour être heureux» : il est un journaliste politique à succès, elle est une célèbre essayiste sensible à la cause des femmes. Quant à leur fils unique Alexandre, il semble promis à un avenir tout aussi brillant à l’université de Stanford. Si le mariage de Jean et de Claire vit ses derniers moments, leur séparation n’est cependant rien en comparaison du drame qui les attend : une accusation de viol va en effet faire vaciller leur existence bien rodée et voler en éclats toutes leurs certitudes.

    «Les choses humaines» est un portrait du monde peu reluisant des coulisses du pouvoir, avec ses enjeux et ses mesquineries, mais la question au centre de ce roman est celle de la « zone grise » et du consentement  -ou de l’absence, terrible, de celui-ci. Quand s’arrête le bizutage et où commence le viol, avec quelle force et avec quels gestes une femme doit-elle dire non pour que la violence qui lui est faite soit punissable et reconnue comme telle par la société ?

    C’est une histoire simple et complexe à la fois que nous narre Karine Tuil : simplicité d’un drame hélas ordinaire et complexité de ses conséquences émotionnelles. «Vingt minutes d’action» pour des vies brisées mais combien de vies et à quel point… telle est toute la question à l’issue de ce roman dont personne ne peut sortir vainqueur.

    Des «choses humaines» qu’il n’est jamais superflu de découvrir en ces temps où la parole des femmes se libère enfin.

     

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    Vanessa Springora, Le consentement

     


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  • La disparue de l'île Monsin

    "Longtemps après, quand il se remémora cette soudaine apparition, il se demanda ce qui lui avait fait pressentir sur-le-champ qu'il allait se passer quelque chose d'extraordinaire, bien qu'il ne pût imaginer que toute sa vie serait bouleversée." ****

    C’est toujours avec plaisir que je découvre le nouveau roman d’Armel Job et je le remercie, ainsi que son attachée de presse, de m’avoir fait découvrir «La disparue de l’île Monsin» en avant-première.

    L’histoire en quelques mots… En janvier 2011, la région liégeoise était bouleversée par un fait divers dramatique, la noyade de deux petites filles et la mort d’un pompier qui tentait de retrouver les corps. Un fragment tragique de réalité qui vient faire incursion dans la trame imaginée par l’auteur : un an plus tard, une jeune femme, Eva, est aperçue au pont-barrage de l’île Monsin, prête à se jeter à l’eau, avant de disparaître mystérieusement. Que faisait-elle à cet endroit, au cœur de l’hiver, et surtout qu’est-elle devenue après avoir été prise en charge par un loueur de pianos qui passait par là et qui, pour son malheur, est la dernière personne qui l’a vue ?

    Les amateurs retrouveront les caractéristiques propres aux romans d’Armel Job : la couleur locale (les Liégeois reconnaîtront au passage bien des noms familiers), des expressions tantôt savoureuses, tantôt cyniques, et une galerie de personnages aux vies moins ordinaires qu’elles ne le paraissent de prime abord. Chacun y a ses petits ou grands secrets, ses rêves perdus, ses remords cachés, et au fil de l’histoire, c’est celle d’Eva qui se construit sous nos yeux, de l’adolescente au corps parfait de gymnaste à la femme qui disparaît sans laisser de traces, avec en filigrane un événement qui ne l’a pas laissée indemne.

    Un roman très agréable à lire et que je vous recommande.

     

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  • Le consentement«Depuis tant d’années, mes rêves sont peuplés de meurtres et de vengeance. Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence: prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre.» *****

    Je me méfie souvent des buzz médiatiques en littérature, ces derniers créant des attentes souvent déçues. Je me suis pourtant laissé tenter par « Le consentement », curieuse de voir comment ce sujet allait être traité par une romancière pour qui ce n’était hélas pas une fiction.

    L’histoire se résume à peu de chose et est déjà connue de la plupart des lecteurs en raison des remous qu’elle a provoqués : la liaison entre l’écrivain Gabriel Matzneff, alors âgé de cinquante ans, et la jeune Vanessa, quatorze ans à peine… le plus surprenant étant sans doute que ces remous apparaissent seulement maintenant, à la publication du livre de Vanessa Springora, et non à l’époque des faits.

    Un tel sujet pourrait aisément prêter à de l’impudeur ou à du pathos mais il n’en est rien. Vanessa Springora lève le voile sur son traumatisme avec délicatesse et retenue, revenant de manière cathartique sur la naissance de sa liaison dangereuse (euphémisme) et sur les ondes de choc subies des années plus tard, alors que le pathétique écrivain tente de garder une quelconque emprise sur elle.

    Cet ouvrage a été pour moi à la fois choquant et édifiant. Choquant par le cynisme de son protagoniste, qui n’a de cesse de se donner le beau rôle, que ce soit lorsqu’il s’agit de déflorer des toutes jeunes filles ou d’aller à la recherche de «culs frais» (sic) dans les rues de Manille. Edifiant par ce qu’il révèle du laxisme de la société de l’époque envers de tels agissements. Gabriel Matzneff ne faisait nullement mystère de ses penchants pervers et personne ne trouvait rien à redire lorsqu’il publiait le récit de ses expériences nauséabondes : alors qu’il était accueilli dans une célèbre émission littéraire, seule l’auteure canadienne Denise Bombardier avait eu le courage de s’insurger contre ces pratiques, ainsi que le rappelle Vanessa Springora.

    Le roman de Vanessa Springora est important à plus d’un titre. D’une part, au niveau personnel, il s’agit certainement d’une catharsis devenue indispensable après des années de lutte contre les fantômes. D’autre part, de manière plus générale, il est symptomatique de notre époque et de la parole enfin libérée des femmes. Il souligne également de manière nuancée la question délicate du prétendu consentement et de la culpabilité ressentie par la victime. Enfin, il pose cette question interpellante face à l’impunité des artistes à qui l’on permet ce qui ne serait pas accepté  –à juste titre– chez le commun des mortels : «En dehors des artistes, il n’y a guère que chez les prêtres qu’on ait assisté à une telle impunité. La littérature excuse-t-elle tout ?»

    Eh bien non, elle n’excuse même rien et un pédophile reste un pédophile, point barre. Il suffit pour s’en convaincre de lire ce roman en gardant à l’esprit que ce n’est pas une fiction  –ce serait tellement plus confortable pour le lecteur que ce ne soit qu’une histoire de papier– et que la souffrance de la femme qui a vécu les faits au point de parfois sombrer est bien réelle. Un roman bien écrit, à la fois court et fort, que je vous recommande.

     

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