• Femmes en colère«Est-ce le hasard ? Cette femme n’a été entendue et jugée que par des hommes. A-t-elle été écoutée ? Moi je peux vous dire que je l’ai écoutée, j’ai noté tout ce qu’elle a dit, et je l’ai crue.»****

    Cette femme, c’est Mathilde Collignon, gynécologue, mère de deux enfants, jugée devant la cour d’assises de Rennes un jour de juin 2020. Ce sont six jurés issus du peuple et trois juges professionnels qui tiennent son sort entre leurs mains : comment qualifier juridiquement l’acte terrible qu’elle a commis trois ans auparavant, mérite-t-il sanction et si oui, laquelle ?

    Le lecteur suit en parallèle le récit de Mathilde, écrit dans sa cellule alors qu’elle attend le verdict, et les délibérations des jurés, confrontés à un réel dilemme. Car bien entendu, si cette femme respectable a un jour dérapé, ce n’est pas par hasard…

    «Femmes en colère» est un roman court et prenant qui aborde des thèmes de société très actuels incitant à la réflexion : le regard de la société sur les femmes  –en particulier, sur une femme qui avoue aimer le sexe–, le droit  à la vengeance, le rôle et le fonctionnement de la justice, l’intérêt ou non d’un jury populaire. L’auteur s’est visiblement bien documenté sur la manière dont les délibérations se déroulent, en nous expliquant chaque fois clairement l’enjeu de chaque réponse apportée par le jury aux questions posées, et le lecteur se demande plus d’une fois quelle aurait été sa propre réaction face aux faits rapportés et aux circonstances.

    Le titre fait bien sûr référence au célèbre film «Douze hommes en colère», dans lequel le spectateur assistait également aux réflexions d’un jury d’assises. Ce sont pourtant cette fois des femmes qui crient leur révolte face à la banalisation de certains actes et au renversement des rôles bourreaux/victimes. Un bon livre que je vous recommande et dont on ne peut que se réjouir qu’il ait été écrit par un homme.

     

    Vous aimerez peut-être :

    Louise Mey, La deuxième femme

     


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  • Les enfants sont rois«Aujourd’hui, n’importe qui pouvait imaginer que sa vie était digne de l’intérêt des autres et en récolter la preuve. N’importe qui pouvait se considérer et se comporter comme une personnalité, un people…» ***

    Le nouveau roman de Delphine de Vigan aborde un sujet de société que je connaissais vaguement, sans toutefois en mesurer l’ampleur et les dérives : celui des enfants mis en vedette par leurs parents sur les réseaux sociaux à des fins très, très lucratives.

    C’est le cas de la famille Diore: la mère, Mélanie, ex-candidate de téléréalité qui n’a même pas connu la gloire, met en scène ses enfants, Sammy et Kimmy, dès leur plus jeune âge. Tous les détails de leur vie quotidienne font l’objet d’une mise en scène de plus en plus sophistiquée, pour le plus grand bonheur de leurs fans, les marques se disputent leurs faveurs pour des séances d’ «unboxing» (déballage de paquets cadeaux devant la caméra) et l’argent commence bien sûr à couler à flots… jusqu’au jour où Kimmy disparaît.

    Le sujet est interpellant et a le mérite de mettre en lumière un phénomène actuel inquiétant auquel la législation ne semble pas encore avoir apporté de réponse valable. Je suis beaucoup plus mitigée quant à la manière dont il est traité. J’ai trouvé que le style était ordinaire et que l’intrigue manquait singulièrement de relief et de densité, le livre donnant davantage l’impression d’être un article (certes intéressant) sur un sujet sociétal qu’une œuvre littéraire écrite par un auteur confirmé (qui plus est, l’auteur de l’excellent «Rien ne s’oppose à la nuit»).

    «Les enfants sont rois» est un roman qui se lit facilement et dont le sujet mérite réflexion au point de justifier, à mon sens, un traitement plus étoffé. Je suis restée sur ma faim mais de nombreuses critiques sont très positives et il ne vous reste dès lors qu’à vous forger votre propre opinion smile


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  • Trois« Il y a des livres que l’on rate, comme certaines rencontres, on passe à côté d’histoires et de gens qui auraient pu tout changer. A cause d’un malentendu, d’une couverture, ou d’un résumé passable, d’un a priori. Heureusement que parfois la vie insiste.» *****

    La vie n’a pas dû insister pour que je me précipite sur «Trois», faisant partie des nombreux lecteurs conquis par les deux premiers romans de Valérie Perrin. Je craignais bien sûr une déception, comme c’est parfois le cas lorsque l’on attend trop de ce qui va nous être proposé ou lorsqu’un auteur qui nous a particulièrement séduits ne se révèle soudain plus à la hauteur (ma gentillesse naturelle m’empêche de m’attarder sur ce point sarcastic).

    Tel ne fut pas le cas et je me suis une nouvelle fois laissé emporter dans l’univers de Valérie Perrin. «Trois », ce sont trois amis, Nina, Adrien et Etienne, que le hasard de l’ordre alphabétique a placés dans la même classe. Nous allons les suivre tout au long d’une amitié de trois décennies, les aléas de la vie les séparant et les réunissant au gré d’événements divers, avec en toile de fond, omniprésente, la musique qui les a accompagnés.

    Difficile d’en dire plus sans spoiler, d’autant plus que l’histoire foisonne de sous-récits et de personnages secondaires. L’intérêt du lecteur est maintenu tout au long du livre grâce à des va-et-vient continuels entre le passé et le présent et entre les personnages, levant peu à peu le voile sur plusieurs mystères : quel rôle la narratrice, Virginie, a-t-elle joué dans l’histoire ? Quelle est cette voiture retrouvée au fond du lac avec un corps à l’intérieur ? Comment les trois inséparables en sont-ils venus à ne plus se voir ni se parler ?

    J’ai vraiment adoré ce roman pour sa résonance authentique. Il raconte à merveille les souvenirs d’été, la délicatesse de l’enfance, les blessures de l’adolescence, les manquements des adultes, sans jamais verser dans le pathos. Il nous fait rencontrer des personnages attachants malgré leurs failles, des gens que l’on pourrait croiser dans la vraie vie, et il analyse avec justesse des relations en lesquelles nous reconnaissons nos propres victoires et nos propres faiblesses. J’avais hâte de les retrouver pour savoir ce qui leur était arrivé et je les ai quittés avec regret malgré la longueur du livre.

    De manière tout à fait subjective, la sensibilité de Valérie Perrin me touche en plein cœur, son profond amour des animaux transparaît au fil des pages et on devine en Nina un personnage qui partage son combat et ses colères.

    Une troisième réussite pour l’auteur et un roman que je vous recommande sans hésiter smile

     

    Du même auteur :

    Les oubliés du dimanche

    Changer l'eau des fleurs

     

     


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  • Vers le soleil«Le 14 août 2018 à 11h36, une longue portion du pont de Gênes s’est effondrée. Le bilan définitif de la catastrophe, établi cinq jours plus tard, fait état de quarante-trois morts et seize blessés.» ***

    C’est ce fait divers dramatique qui sert de cadre au nouveau roman de Julien Sandrel, «Vers le soleil». Un auteur que je n’avais jamais lu malgré la popularité de ses précédents livres, peut-être parce que je craignais qu’il ne soit trop feel good pour moi, et que je découvre avec plaisir grâce à cet envoi de son service presse.

    Je préfère ne pas trop vous en dire sur l’intrigue en elle-même (de nombreux résumés sont disponibles dans d’autres critiques), ayant personnellement préféré découvrir l’histoire et ses personnages sans trop savoir à quoi m’attendre. Le point de départ est le voyage en Toscane d’une famille qui n’en est pas vraiment une, la catastrophe de l’effondrement du pont de Gênes faisant soudain irruption dans leur organisation bien rodée et venant rebattre les cartes de manière dramatique.

    «Vers le soleil» est un roman tantôt triste, tantôt lumineux, qui traite essentiellement des relations humaines et en particulier parentales, des familles que l’on (ne) choisit (pas), de l’amitié, de la complicité, des attachements qui font peur ou qui réjouissent. Le passage des protagonistes dans quelques-unes des plus belles villes d’Italie apporte en outre une touche dépaysante et chaleureuse.

    Petit bémol en ce qui me concerne : j’aurais aimé que ce roman soit plus dense, plus étoffé car il y avait largement matière pour ce faire. Je l’ai lu en quelques heures seulement et je l’aurais souhaité moins fluide, avec davantage de «show, don’t tell» et de temps d’arrêt consacrés à certaines thématiques  –je pense notamment au thème en lien avec le personnage de Tom. Cela étant dit, ce même aspect sera sans doute une qualité aux yeux d’autres lecteurs smile

    Un joli roman empli de tendresse, à emporter dans vos valises cet été si vous aimez les «feel good dramatiques» et si vous êtes sensibles aux parfums et aux couleurs de l’Italie…


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  • Le vallon des lucioles«Malgré ce que l’on croit communément, les photographies ne conservent pas les souvenirs ; elles les étiolent. En se concentrant sur le quart de seconde correspondant à l’image elle-même, on néglige les moments qui ont mené jusque-là et tous ceux, poignants, qui ont suivi. Lorsqu’on examine trop une photo, on oblitère  –et plus vite que ça–  les odeurs, les caresses, les battements de cœur.» ****

    Dans le cadre du New Deal du président Roosevelt, Havens et Massey, respectivement photographe et journaliste, sont envoyés en mission dans la magnifique région des Appalaches afin d’y faire un reportage sur la misère. C’est cependant une tragédie inattendue qui va toucher Havens en plein cœur, grâce à quelques mots surpris dans une conversation : la «chasse au raton bleu»…

    Car au creux du vallon des lucioles vivent des familles marquées par une différence bien visible : certains de leurs membres naissent avec la peau bleue. C’est le cas de la jeune Jubilee et de son frère Levi, atteints de cette affection qui ne devrait pas les empêcher de vivre normalement s’il n’y avait l’intolérance et la brutalité des hommes face à celles et ceux qui ne sont pas comme eux…

    «Le vallon des lucioles » est un roman qui traite de thèmes forts : le racisme, le rejet de la différence, la violence à l’égard des faibles, l’amour, la compassion, la magnificence de la nature, le voyeurisme intrusif des médias. Les personnages principaux sont sensibles et émouvants et véhiculent des valeurs vraies qui contrastent avec le caractère brutal et primaire de ceux auxquels ils sont confrontés.

    Ma seule réserve concerne le style littéraire, assez inégal et à mon sens pas à la hauteur de l’histoire et de sa force. Si le récit est globalement fluide et rend bien la beauté les paysages et la passion de la photographie, certains passages ou dialogues m’ont paru un peu creux ou artificiels, comme si quelqu’un d’autre avait pris la plume le temps de quelques lignes.

    Malgré cette réserve, «Le vallon des lucioles» est un roman qui vaut le détour : il a le mérite de nous faire découvrir une réalité historique peu connue et une région d’une grande beauté et surtout, il est porteur d’un message riche de tolérance et de compassion.

     


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