• Underground Railroad

    Prix Pulitzer

    National Book Award

    «Une insurrection à elle toute seule. Elle sourit un moment, avant que la réalité de sa nouvelle cellule ne reprenne ses droits. Elle grattait entre quatre murs comme un rat. Aux champs, sous terre ou dans un grenier, l’Amérique restait sa geôlière.»*****

    C’est effectivement une Amérique geôlière que Colson Whitehead nous décrit dans son fabuleux roman «Underground Railroad» : celle de l’esclavage, dans toute son abjection, baignée de fascisme et d’eugénisme.

    Une note d’espoir cependant dans la noirceur des champs de coton ensanglantés : un chemin de fer souterrain, qui permet aux esclaves en fuite de gagner les états du nord. C’est ce chemin que va tenter de rejoindre la jeune Cora, seize ans à peine, esclave dans une plantation de Géorgie. Une voie pour laquelle sa propre mère l’a abandonnée, sans jamais chercher à la revoir.

    Il m’a fallu un peu de temps pour entrer dans ce livre, peut-être parce que je le lisais de manière morcelée, mais j’ai poursuivi ma lecture sur les conseils d’une amie enthousiaste et je ne l’ai pas regretté. Une fois l’histoire mise en place, le lecteur suit l’odyssée de Cora avec un mélange d’espoir, de révolte et de compassion, se prenant à retenir son souffle avec elle aux moments les plus sombres de la traque dont elle est victime.

    «Underground Railroad» est un récit âpre et cruel, qui restitue sans fioriture, de manière à la fois brute et brutale, la réalité sociétale de l’Amérique du 19ème siècle et nous rappelle à quel point l’homme peut être déshumanisé pour peu que le contexte soit favorable.  Un roman intéressant tant du point de vue humain qu’historique et que je vous recommande.


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  • Né d'aucune femme«Les mots, une invention des hommes pour mesurer le monde» *****

    Les mots de Franck Bouysse sont tout simplement sublimes et mesurent le monde avec une douloureuse âpreté, sans la moindre concession.

    J’avais lu tellement d’éloges à propos de ce livre que je craignais une déception à la hauteur de mes attentes mais il ne m’a fallu que quelques pages pour être absorbée dans ce roman puissant qui nous fait parfois lever les yeux, soit parce que les images évoquées sont insoutenables, soit parce que la beauté du style suscite l’admiration.

    Le récit est celui de Rose, qui a ressenti le besoin d’ «écrier» son tragique destin, du fin fond de l’asile où elle a été reléguée. C’est le prêtre Gabriel qui recevra ses carnets, alors qu’il doit bénir un cercueil dans lequel ils ont été cachés : il plonge alors avec horreur dans l’histoire de cette toute jeune fille devenue femme et mère dans des circonstances épouvantables.

    Vous aurez compris que c’est un roman très sombre  –heureusement non dépourvu d’un fragment de lumière–  qui dépeint la vie comme un intermède cruel entre deux néants, au point de donner envie à ceux qu’elle malmène d’ «entrer dans le rêve vide, et y rester pour toujours». Une œuvre littéraire forte et marquante que je vous recommande.

     

    Du même auteur:

    Oxymort


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  • Tout cela je te le donneraiCoup de cœur *****

    "Il savait que l'écriture naissait de la nécessité, de l'incomplétude de l'âme, d'une faim et d'un froid intérieurs qu'elle seule est capable d'apaiser, provisoirement."

    Lorsque l’écrivain Manuel Ortega apprend la mort de son mari Alvaro dans un accident de la route, il ne se doute pas que son calvaire ne fait que commencer. Car non seulement il va devoir faire face à la mort d’un être cher mais également à tout un pan de l’existence de ce dernier qu’il ignorait : Alvaro était censé être à Barcelone et il est mort en Galice, là où il a grandi et connu le pire…

    Difficile d’en dire plus sans spoiler cette histoire terrible et magnifique à la fois, qui nous plonge dans les secrets familiaux d’une aristocratie glaçante et nous emmène dans le cadre dépaysant des régions viticoles d’Espagne. L’écriture est très belle, les personnages nuancés et le lecteur se voit emporté dans une saga qui prend parfois des allures de thriller littéraire. Il y est question d’amour, de deuil, de sacrifices, de renoncements, de cynisme absolu, de violence physique et psychologique… des thèmes universels parfaitement mis en scène et servis par une plume fine et agréable. En arrière-plan, l’influence profonde de l’Eglise catholique, mise en avant par cette phrase de Satan: «Tout cela je te le donnerai»…

    Vous aurez compris que je vous recommande vivement ce très beau roman et que j’ai hâte pour ma part de découvrir les autres œuvres de Dolores Redondo.


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  • À ce soir« Je n’écris pas pour me souvenir. Je n’écris pas pour apaiser la douleur. Je sais depuis dix-sept ans que la douleur est et demeurera ma compagne. Je vis avec elle. Je la tiens en laisse. Quelquefois, elle me bouscule et me fait tomber. Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille. » *****

    Toute la force de ce récit court et poignant tient dans ces quelques lignes. À la suite d’un accident de voiture sans conséquences, Laure Adler éprouve le besoin de revenir sur la mort de son tout jeune enfant, Rémi, dix-sept ans auparavant. Une mort qualifiée de subite mais qui sera néanmoins précédée d’un long séjour à l’hôpital et d’une succession de périodes d’espoir et de moments difficiles jusqu’à la fin tragique.

    Laure Adler nous ouvre un peu la porte de la communauté qu’elle a rejointe lors du décès de son enfant  (« nous  –cette communauté désignée par le destin pour endurer la plus grande des injustices, cette tribu silencieuse et honteuse, sommes toujours écorchés vifs. Les blessures de nos mémoires sont toujours béantes. Quoi que nous fassions. ») et elle parvient à le faire avec douceur et délicatesse.

    «À ce soir» est le genre de récit qui pourrait aisément verser dans le pathos mais tel n’est pas le cas. Pas de détails sordides mais beaucoup de pudeur dans la narration du chagrin et de l’insoutenable. J’ajoute que ce n’est pas seulement un témoignage mais également une œuvre littéraire car l’auteur écrit très bien et pose des mots très justes sur sa douleur et sa relation avec l’enfant lors de sa courte vie. Elle nous parle également du «vivre après », lorsque les mots gravés sur le cadran d’une montre, «À ce soir», résonneront désormais comme une menace.

    Un livre court et émouvant qui parle avec beaucoup de finesse du plus terrible des deuils.

    Vous aimerez peut-être :

    Marie Darrieussecq, Tom est mort


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    La femme en vertPrix Clé de verre 2003 du roman noir scandinave

    Prix CWA Gold Dagger 2005 (Grande-Bretagne)

    «Il remarqua qu’il s’agissait d’un os humain dès qu’il l’enleva des mains de l’enfant qui le mâchouillait, assis par terre.» *****

    Dès cette première phrase glaçante, le lecteur est emmené dans l’univers sombre d’Indridason, pour ne le quitter qu’une fois la dernière page tournée.

    Des ossements humains ont été trouvés enterrés sur la colline. L’enquête s’annonce difficile pour Erlendur, puisqu’il faudra plusieurs jours avant d’exhumer le squelette en entier et que par ailleurs, ce dernier date de plusieurs décennies. L’une ou l’autre piste cependant : la disparition mystérieuse, jamais élucidée, d’une jeune femme enceinte et l’existence d’une famille isolée qui aurait habité les lieux pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il y a aussi cette femme en vert que l’on voit souvent se promener près des groseilliers, seuls symboles de vie et de renaissance dans cette terre austère…

    En alternance avec l’enquête et l’histoire personnelle, souvent douloureuse, d’Erlendur, l’auteur nous plonge dans un autre récit, violent et implacable. L’histoire d’une femme dont on ne prononce pas le nom  -peut-être pour souligner son universalité ?-  et d’un homme que nous ne connaissons que par le sobriquet que lui ont donné ses enfants, Grimur. Des enfants terrorisés, plongés comme leur mère dans l’enfer d’une violence conjugale tant physique que psychologique.

     

    L’histoire est prenante, voire impossible à lâcher durant les derniers chapitres tant l’on a hâte de découvrir à qui appartient ce squelette  –qui, comble de l’horreur gothique, a encore une main tendue vers le ciel… Le style est sobre et percutant, parfaitement adapté à l’atmosphère de la terre d’Islande et à la violence imprégnant le récit. Un roman que j’ai relu avec autant d’intérêt que la première fois   -le mot «plaisir» me paraît un peu déplacé-   et que je vous conseille si vous êtes à la recherche d’un bon polar nordique.

     

    Du même auteur:

    Hiver arctique

     

     


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