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    Sa dernière chance«S’il avait consenti à s’exprimer quand Benoît Michiels l’interrogeait, Fred aurait pu ajouter sans forfanterie qu’il se préparait quelque chose de pas très catholique entre ses deux curieux clients.» ****

    Effectivement, le couple qui se retrouve ce jour-là à la brasserie Le Belle-Vue est à tout le moins surprenant et ne manque pas d’attirer l’attention du serveur. Lui, c’est Pierre, antiquaire liégeois peu scrupuleux. Elle, c’est Élise Dubois, trente-neuf ans, jeune femme effacée qui vit depuis de longues années chez sa sœur Marie-Rose, gynécologue, et son beau-frère, agent immobilier. La vie d’Élise gravite autour de ceux-ci et de leurs quatre enfants, puisqu’en échange du gîte et du couvert, elle assure la gestion de la maison.

    Mais malgré tout son dévouement, Élise ne peut plus se contenter de cette vie par procuration et elle choisit dès lors de s’émanciper. Pas n’importe comment cependant, via un site de rencontres, et pas n’importe lequel : Âmes sincères, un site catholique, on n’est jamais trop prudent. Seulement voilà, même chez les chrétiens, il y a des desseins cachés et des motifs inavouables…

    Les lecteurs retrouveront dans ce roman les qualités habituelles des œuvres d’Armel Job. La langue est soignée, la psychologie des personnages subtile et l’auteur parvient à transformer un fait divers somme toute très ordinaire en une intrigue romanesque dont on a envie de connaître l’issue. Il nous prend par la main et nous raconte une histoire du haut de son omniscience, en laissant entendre dès le début que ce qui est arrivé à ses protagonistes a mérité l’attention d’un journaliste…

    J’ai par ailleurs beaucoup aimé cette impression de découvrir non pas des personnages de roman mais des êtres de chair et de sang que l’on pourrait croiser dans nos vies, avec leurs failles, leurs frustrations, leurs aspirations. Enfin, la Liégeoise que je suis a particulièrement apprécié ce petit tour de la Cité Ardente, entre la rue des Clarisses et le parc de la Boverie smile

    Un bon cru que je vous recommande wink2

     

    Je remercie l'attachée de presse d'Armel Job de m'avoir fait parvenir un exemplaire de ce roman en échange d'une critique honnête.

     


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  • La loi des hommes«De temps à autre, ils venaient se mêler à la puanteur des bas-fonds,  dans le seul but d’assouvir leurs bas instincts. Il n’y avait pas d’amour, de respect, de curiosité, ni d’envie de partage… simplement un plaisir fugace et tarifé, un moment arraché à leur ennui, à une vie vaine et fade où les ivresses tristes n’avaient ni parfum ni goût. J’avais pitié d’eux, j’avais honte d’eux, honte de moi.» ****

    C’est son travail de fossoyeur qui mène Jacques à ouvrir la tombe d’un Anglais enterré depuis bien longtemps dans le petit village de Houtkerque, dans le nord de la France. Il y découvre un manuscrit avec lequel le défunt a souhaité être enterré… Intrigué, Jacques l’emporte chez lui et demande à sa fille Aude de le lui traduire, sans se douter qu’il entame un voyage qui ne le laissera pas indemne…

    Car les mémoires de Wallace Hardwell sont celles d’un inspecteur de Scotland Yard à l’époque victorienne et c’est à un véritable voyage historique qu’elles nous convient. Le récit d’un homme de bonne volonté, avec ses forces et ses faiblesses, et surtout un voyage dans les bas-fonds de Londres, ceux de Jack l’Eventreur, où la misère et l’indignité humaines se côtoient sans relâche, ceux où les puissants viennent assouvir leurs instincts sans vergogne ni remords. Tout comme Jacques, le lecteur est emporté le temps d’un récit empreint d’empathie et de sensibilité dans un autre monde, celui de l’exploitation des pauvres en général, des femmes et des enfants en particulier… Mais si l’on y regarde de plus près… est-ce vraiment un autre monde ?

    Découvert au hasard d’une recommandation pour un autre de ses livres, ce roman de Wendall Utroi a été une très belle surprise pour moi. Un suspense historique bien mené et bien documenté (inspiré du scandale de Cleveland Street en 1889), une écriture très agréable, des personnages profondément humains, nullement manichéens, et un rapport au présent très factuel qui m’a à la fois surprise et interpellée. Une jolie découverte en ce qui me concerne et un auteur dont j’ai hâte de découvrir d’autres œuvres.

     


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  • Rien ne t'efface

    Suspense bien mené ***

    J’avoue avoir quelque peu hésité à lire le nouveau Michel Bussi, ma dernière expérience de lecture ayant été très décevante. Autant j’avais adoré «Nymphéas noirs» et «Un avion sans elle», autant j’avais détesté «Au soleil redouté», les autres me laissant plutôt un sentiment mitigé. Ce sont quelques critiques très positives qui m’ont décidée et malgré quelques réserves, j’ai passé un bon moment.

    L’intrigue en quelques mots… Maddi est médecin généraliste à St-Jean-de-Luz et mène une vie paisible avec son fils Esteban, âgé de dix ans, jusqu’à ce qu’un drame fasse voler son bonheur en éclats : Esteban, resté seul à la plage, disparaît sans laisser de traces. Dix ans plus tard, alors qu’elle a refait sa vie ailleurs et  revient sur les lieux du drame, Maddi n’en croit pas ses yeux : sur la plage, elle aperçoit un petit garçon qui pourrait être le jumeau d’Esteban et qui porte même un maillot de bain identique. L’enfant s’appelle Tom, il a dix ans et il vit en Auvergne avec sa maman. Maddi n’hésite pas à aller s’installer à Murol pour en savoir plus et elle découvre que Tom a vraiment beaucoup de points communs avec Esteban, jusqu’à ses goûts et ses phobies…

    Ce que j’ai aimé tout d’abord… L’intrigue est ingénieuse et on ne s’attend nullement à l’explication finale. On pense à des justifications surnaturelles tout au long du roman, une issue souvent facile pour l’auteur mais décevante pour le lecteur, et Michel Bussi évite cet écueil, fournissant une solution qui tient la route. Le rythme est plutôt soutenu et l’on a envie de connaître la suite de ces événements pour le moins étranges. J’avoue également m’être fait berner et avoir eu envie de revenir en arrière pour voir comment l’auteur avait pu m’induire ainsi en erreur smile

    Ce que j’ai moins aimé… Le style m’a paru assez inégal, avec tantôt des passages bien écrits, tantôt des phrases un peu simplistes avec des points d’exclamation dont je ne percevais pas trop l’intérêt. Quant à l’explication finale, il faut reconnaître que si elle est plus rationnelle que l’on pouvait le craindre, elle n’en demeure pas moins assez improbable.

    Si vous faites fi de ces derniers points, «Rien ne t’efface» est une lecture agréable qui, sans justifier tout le battage médiatique qui l’entoure, devrait plaire aux fans de l’auteur et, plus largement, à ceux qui aiment les intrigues un peu alambiquées smile

     

     

     

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    J'ai dû rêver trop fort


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  • L'incroyable histoire de la littérature françaiseUn voyage amusant et instructif *****

    «L’incroyable histoire de la littérature française» nous emmène à la (re-)découverte des grands auteurs français du 16ème au 20ème siècle, au gré d’une bande dessinée qui mêle plaisir et érudition. Les textes sont signés Catherine Mory, professeur de français, et sont illustrés par Philippe Bercovici, souvent avec beaucoup d’humour et d’espièglerie.

    De Rabelais à Camus, le lecteur prend plaisir à raviver les souvenirs d’école et à apprendre bien d’autres choses moins connues, au fil d’anecdotes tantôt sérieuses, tantôt beaucoup plus légères. Outre les informations propres aux écrivains et à leurs œuvres, on y trouve une multitude d’informations diverses qui raviront ceux qui sont curieux de tout ou qui veulent simplement se remémorer ce qu’ils ont en partie oublié.

    Quelle est l’origine de l’expression «faire un four» et du terme « marivaudage » ? De quels mots latins vient le mot «baccalauréat» ? Dans quelles œuvres peut-on croiser Meursault, Lantier, Fabrice Del Dongo ? Qu’a vraiment voulu dire Sartre en affirmant que «L’enfer, c’est les autres» ?  Qui a dit «Je est un autre» ? Quel est le rapport entre le spleen et la rate ? Quel écrivain a affirmé vouloir être Châteaubriand sinon rien ? Qu’est-ce que le «syndrôme de Stendhal» ?... Et bien d’autres anecdotes, notamment sur la vie sentimentale souvent truculente de ces génies de la littérature J 

    Cerise sur le gâteau, on y retrouve avec délectation quelques-uns des plus beaux vers de la poésie française… Inoubliables, ce jeune soldat «pâle dans son lit vert où la lumière pleut», ce «prince des nuées» que ses ailes de géant empêchent de marcher et ce père qui regardera pas «l’or du soir qui tombe ni les voiles au loin descendant vers Harfleur»…

    Un livre passionnant, à la fois drôle et didactique, que j’aurais aimé plus long encore (trente auteurs sont mis à l’honneur) et que je vous recommande J 


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  • La familia grande«Nous étions si petits et vous nous paraissiez si grands, si importants, si essentiels. Comment notre beau-père aurait-il pu désirer autre chose que notre bien ? Qui étais-je pour m’opposer à cela ?» *****

    Ce court extrait résume à merveille le propos de ce livre coup de poing. La «familia grande», c’est celle au sein de laquelle grandit Camille Kouchner, celle qui se réunit tous les étés dans la grande maison de vacances de Sanary dans un esprit de liberté totale. Des étés lumineux qui fleurent bon le thym et le mimosa mais où va naître «l’hydre» qui étouffera Camille jusqu’à finir par exploser dans l’écriture de ce roman.

    Car dans la familia grande, il y a le beau-père, jamais nommé et pourtant reconnu de tous  -le politologue Olivier Duhamel, compagnon de la mère, Evelyne Pisier. Un beau-père qui considère les trois enfants de sa compagne comme les siens, dit-il, mais qui dans la chaleur des étés de Sanary impose à Victor, jumeau de Camille, alors âgé de 14 ans, une «initiation» très particulière, confondant liberté sexuelle et inceste.

    Tout comme «Le consentement» de Vanessa Springora, «La familia grande» est le genre de livre que j’aborde avec une certaine appréhension, craignant une impudeur confinant au voyeurisme compte tenu du sujet et de la célébrité des protagonistes  –Camille est la fille de Bernard Kouchner et la nièce de Marie-France Pisier.

    Tel ne fut cependant pas le cas. Camille Kouchner reste aussi pudique que les faits le permettent et j’ai plutôt vécu cette lecture comme un long cri du cœur de la part d’une victime «indirecte». Un cri du cœur que je lui souhaite cathartique à titre personnel mais qui a également un rôle social  -n’est-ce pas aussi à cela que sert la littérature ?

    Ce roman met fin à une omerta similaire à celle dont a bénéficié Gabriel Matzneff et l’on reste à nouveau sans voix face au cynisme de cette frange intello-bourgeoise de la société parisienne et aux arguments nauséabonds avancés pour justifier l’injustifiable. Une prise de parole salutaire, qui ouvrira peut-être la voie à d’autres victimes et qui permet en tout cas de mieux percevoir la nature et la profondeur d’une blessure difficile à comprendre pour ceux qui ne l’ont pas vécue.

    «Je vais t’expliquer, à toi qui dis que nous sommes tes enfants. Quand un adolescent dit oui à celui qui l’élève, c’est de l’inceste. Il dit oui au moment de son désir naissant. Il dit oui parce qu’il a confiance en ton apprentissage à la con. Et la violence, ça consiste à décider d’en profiter, tu comprends ? Parce que, en réalité, à ce moment-là, le jeune garçon ne saura pas te dire non. <…> Ça va durer, et puis il va culpabiliser, se dire que c’est sa faute, qu’il l’a cherché. Ce sera ton triomphe, ta voie de sortie pour en réchapper.»

     

     

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