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Son frère
La douleur et la mer ****
« Je croyais que la mort survenait toujours en hiver, qu’il lui fallait le froid, la grisaille, une sorte de désolation, que c’est seulement ainsi qu’elle pouvait se sentir sur son terrain. Je découvre qu’elle peut tout aussi bien exercer sa besogne en plein soleil, en pleine lumière. »
Le narrateur découvre également qu’elle peut frapper en pleine jeunesse, puisqu’il apprend que son frère Thomas souffre d’une maladie du sang qui lui sera plus que probablement fatale.
Thomas a choisi de venir mourir dans la maison familiale de vacances, à l’île de Ré, et devient dès lors « la totalité du monde » pour Lucas. L’occasion pour ce dernier de revenir sur leur enfance, les jours heureux, le déchirement familial inévitable suite à la maladie (ce moment terrible où le père regrette que ce ne soit pas l’autre fils qui soit frappé…), les jours d’hôpital, et surtout l’amour fraternel intense, thème principal du roman : « ce lien pur, dévastateur, où nul autre n’a sa place, à nul autre pareil, <...> cette intimité sur laquelle aucune enchère n’est possible ».
« Son frère » présente toutes les qualités que j’ai déjà pu apprécier dans les autres romans de Philippe Besson : une écriture belle et fluide, teintée de nostalgie et de sensibilité, une atmosphère particulière -celle de fin de saison, de fin de vie aussi-, des êtres vulnérables et touchants. En filigrane, d’autres personnages à part entière du récit : la douleur (« pure comme peuvent l’être certains diamants <…> on est seul avec cette pureté-là, cette blancheur insoutenable de la douleur ») et la mer (« Il faut être saisi de cette merveilleuse obsession qu’est la mer pour comprendre ce que je raconte. <…> Le plus souvent, je vis sans la mer, je vis loin d’elle, elle ne m’est redonnée qu’aux beaux jours, resplendissant sous le soleil, et elle demeure pour moi un accident, un événement magnifique, une donnée extraordinaire à laquelle je ne m’habitue pas. Elle est un éblouissement toujours recommencé. »).
Un roman court mais intense, qui traite avec pudeur de thèmes essentiels et universels et qui n’est pas sans rappeler « Les jours fragiles », où l’auteur abordait les derniers jours d’Arthur Rimbaud dans cette même perspective fraternelle : une lecture empreinte de tristesse et d’amour à laquelle j’ai été sensible et que je vous recommande.
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