• Un coeur sombre

    Un coeur sombreTous les démons des Enfers *****

    Autant le dire tout de suite : habituellement, je n’aime pas les romans noirs mettant en scène des policiers corrompus et le milieu de la pègre et si celui-ci n’avait pas été écrit par RJ Ellory, je n’aurais sans doute même pas été tentée. Mais je sais par expérience, pour en avoir lu et adoré plusieurs («Seul le silence», «Papillon de nuit», «Ghostheart», «Mockingbird Songs»…), que les livres d’Ellory sont captivants et troublants par la noirceur même des sentiments qu’ils mettent à nu.

    Ce cœur sombre, encore plus triste dans le titre original («A Dark and Broken Heart»), est celui de Vincent Madigan, policier désabusé qui ne croit plus à ce qu’il fait («La lente et insidieuse perte de foi dans le système. Puis ça s’était transformé en rancœur, en amertume, en une frustration profonde teintée de désillusion.») et a côtoyé d’un peu trop près la pègre d’East Harlem, se retrouvant dans les dettes jusqu’au cou. Sa vie familiale n’est guère plus harmonieuse : quatre enfants de trois femmes différentes, à savoir deux ex-épouses et une ex-compagne à qui il n’a pas laissé un souvenir impérissable.

    Mais Vincent a une solution pour régler ses problèmes d’argent : un coup en or qui va lui rapporter 400.000 dollars, le seul inconvénient étant que cet argent appartient à son créancier, Sandià, sans doute l’homme le plus dangereux d’East Harlem. Il faudra bien sûr que le sang coule mais Vincent n’est pas à un cadavre près. Quoique… Rien ne laissait présager un dommage collatéral aussi douloureux qu’une petite fille grièvement blessée et c’est alors la part d’humanité que chaque homme  -aussi mauvais fût-il-   garde peut-être en lui qui s’éveille : «Puis ça commença à monter en lui. La culpabilité. La mauvaise conscience. Ça montait à chaque seconde qui s’écoulait, chaque seconde qui le faisait se rendre compte qu’elle était minuscule, jolie, fragile, délicate, brisée, effroyablement abîmée.»

    Commence alors une intrigue trop complexe pour être aisément résumée sans gâcher le plaisir de la surprise. Une histoire qui ravira les amateurs de romans noirs classiques mais qui va également au-delà, puisque comme le titre l’indique, elle se focalise sur le cœur de l’anti-héros, aussi sombre que brisé : «C’était comme si son cœur pleurait dans une pièce sombre et qu’il ne pouvait que l’entendre, jamais le voir ni le toucher, jamais rien faire pour le consoler.» Hanté par ses démons, habité par une ombre qui le possède et le dépasse («Il y a un inconnu dans mon cœur. Il est arrivé sans y être invité. Je voudrais qu’il s’en aille, mais il ne le fera pas.»), Vincent Madigan se battra jusqu’au bout pour préserver l’étincelle d’humanité restée en lui, vers une rédemption tellement idéaliste qu’elle semble peut-être déjà hors d’atteinte.

    Un roman fort et émouvant sur le mal absolu, la culpabilité, le pardon, la faiblesse de l’homme lorsqu’il est entraîné vers un abîme qui semble sans fond : «Peut-être que c’était excitant pendant un temps  -l’imprévisibilité, le côté dangereux et la rugosité qui se cachaient juste derrière ce fin, fin vernis de respectabilité. Mais le vernis n’a pas tardé à s’user, et qu’est-ce qu’il est resté après ? Il est resté Madigan, Vincent Madigan, et tous les démons des Enfers qu’il traîne dans son sillage.»

    Du même auteur: 

    Ghostheart (bientôt traduit sous le titre "Les fantômes de Manhattan")

    Mockingbird Songs

    Les anges de New-York

    Seul le silence

    Papillon de nuit


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