• Le chercheurUn voyage ésotérique qui ne m'a pas emportée **

    Je tiens tout d’abord à remercier Babelio et les éditions Flammarion de m’avoir fait parvenir ce livre en échange d’une critique honnête.

    « Le chercheur » s’adresse à un public particulier car il s’agit d’un récit et d’une quête initiatiques: l’ouverture spirituelle de l’auteur, le musicien danois Lars Muhl, alors qu’il traverse une période sombre de sa vie, « la nuit noire de l’âme ». Sa rencontre avec un être étrange qu’il nomme le Voyant l’emmène en voyage, tant physiquement que spirituellement, sur les traces des Cathares et à la découverte de lui-même. Le récit alterne le voyage présent vers le sud de la France et les souvenirs du parcours passé, alors que le narrateur tente de retrouver un équilibre intérieur au fil de découvertes mystiques.

    Mon impression globale après avoir terminé ce livre est mitigée. D’une part, ce livre contient des réflexions intéressantes, à défaut d’être originales, sur la vacuité de nos vies et nous fait entrevoir un ailleurs spirituel. Les hommes d’affaires pressés qu’il croise dans le train sont des « hommes-Magritte » qui font de leur mieux pour paraître importants, l’homme « s’invente une série de buts vers lesquels tendre. Mais ces buts ne sont rien d’autre qu’un alibi pour continuer à fuir et maintenir un haut degré de consommation » ou encore « l’homme a fait de la sexualité un divertissement destiné à combattre l’ennui. Notre culture a épuisé le concept d’amour. ». Dans le même ordre d’idées, notre combat pour accomplir nos rêves et nos ambitions, s’il est beau et émouvant, est également triste car nous emmenant loin de notre destin, l’être véritable ne pouvant « advenir que du non-être, de la même façon que le son ne peut venir que du silence ».

    D’autre part, - et c’est de là que vient le problème, selon moi- ,  ces idées se perdent dans une expérience ésotérique qui ne m’a pas touchée. Le parcours de Lars Muhl est peut-être trop personnel pour pouvoir être ressenti par son lecteur (qui doit, soit dit en passant, faire preuve d’une bonne dose d’ouverture d’esprit) et de ce fait, je n’ai pas eu l’impression d’emporter quelque chose en quittant ce livre (à part peut-être la découverte de la chanson de Jacques Brel « Je ne sais pas », dont les paroles sont retranscrites dans le livre et qui, elle, m'a touchée).

    Ce livre a déjà rencontré un certain succès au Danemark et a été traduit dans de nombreux pays, ce qui me donne à penser qu’il existe un public friand de ce type de lecture. En ce qui me concerne, tout en le lisant avec facilité et sans déplaisir, je suis restée à distance, lui préférant « Le pouvoir de l’instant présent » d’Eckhart Tolle ou des ouvrages de méditation qui me donnent des conseils pratiques pour vivre personnellement l’expérience (Christophe André par exemple). Il ne s’agit cependant que de la première partie d’une trilogie et les deux suivantes seront peut-être un complément intéressant.

     

     


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  • Ce qui se dit la nuit"Ce qui se dit la nuit ne voit jamais le jour" ****

    J’ai découvert le premier roman d’Elsa Roch, « Ce qui se dit la nuit », au hasard du fil d’actualité d’un groupe de lecture et j’ai été très agréablement surprise par ce roman policier d’atmosphère qui nous emmène, au gré d’une plume très séduisante, dans les sombres secrets d’un petit village français.

    Alors que le commissaire Amaury Marsac vient tenter de se ressourcer sur les lieux de son enfance et de ses amours perdues avec la belle Elsa, un terrible drame secoue le village : une dame âgée, Marianne Touret, est retrouvée égorgée, tondue, un morceau de tissu cousu à l’emplacement du cœur. Amaury se sent émotionnellement impliqué par la mort de cette personne qui a compté pour lui et s’investit dans l’enquête contre l’avis de l’enquêteur local, mettant à nu non-dits et sentiments inavoués.

    L’histoire est assez simple voire ordinaire et pourtant, le lecteur se laisse emporter par ce récit villageois où chacun semble avoir l’un ou l’autre secret. Elsa Roch a réussi à créer une atmosphère glauque, entre brumes opaques et vieilles superstitions, qui donne un cachet particulier à la narration. Le prologue nous emmène sans ménagement dans la tête d’une petite fille de cinq ans, détenue dans le block des enfants d’un camp de concentration, plantant ainsi dès les premières pages une sordide toile de fond, avant de nous laisser entrer dans l’histoire en elle-même. Chaque chapitre est précédé d’une courte phrase qui s’y retrouvera plus tard et le récit est émaillé de citations de Philippe Léotard qui contribuent à l’ambiance particulière de l’ensemble (« Si je me suis trompé en disant : je t’aime, je préfère avoir dit : je t’aime. On ne me fera pas envier celui qui a eu raison sans aimer. »).

    Les personnages sont attachants par leur fragilité et leur humanité, en proie à leurs démons ou réminiscences douloureuses : une sœur disparue, une enfance martyrisée, des êtres écorchés par une vie professionnelle  au contact permanent des noirceurs de l’âme.

    Enfin, j’ai beaucoup aimé l’écriture d’Elsa Roch, étonnamment aboutie pour un premier roman : le soleil se couche « en un lugubre écroulement de nuages sanglants », la Creuse « scintillait de mille feux, magnifique, indifférente, gloutonne. Ses enfants perdus, elle les avalait sans un mot sans un regard sans un cillement » ou encore « On est toujours seul face à la mort, mais, parfois, cette solitude résonnait comme une stridence infinie. »

     

    Un beau roman d’atmosphère et une belle découverte qui laisse espérer une suite aux enquêtes du commissaire Marsac.


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  • He Said / She SaidHe Said / She SaidOmbres et lumières *****

    J’avais découvert Erin Kelly grâce à son premier roman, « The Poison Tree », dont j’avais aimé les accents rendelliens, et « He Said/She Said » m’a séduite encore davantage, alliant à la fois atmosphère, suspense constant et qualité d’écriture.

     

    Alors que de nombreux romans à suspense se ressemblent au point de ne plus se distinguer les uns des autres, Erin Kelly nous emmène dès les premières lignes dans le monde particulier et fascinant des chasseurs d’éclipse, articulant la construction de son récit sur les cinq phases d’une éclipse (first contact, second contact, totality, third contact et fourth contact) et utilisant cette dernière comme métaphore des jeux d’ombres et de lumières omniprésents dans la narration.

    Cette narration se fait du point de vue alterné de deux protagonistes, Kit et Laura, à deux époques différentes. Lors de l’éclipse du 11 août 1999, Kit et Laura se rendent en Cornouailles pour assister au spectacle et y rencontrent une jeune femme, Beth, dans d’étranges circonstances qui changeront le cours de leurs vies ; ces événements seront suivis d’un procès en l’an 2000 mais je ne vous dirai pas pourquoi smile En 2015, Kit se prépare cette fois à partir seul aux îles Féroé pour assister à une nouvelle éclipse, Laura, enceinte, restant seule à Londres. Les deux jeunes gens vivent manifestement dans la crainte, au point d’avoir changé d’identité, et ils mettent tout en œuvre pour ne pas pouvoir être retrouvés  -ce qui est compromis par la présence connue de Kit aux éclipses. Qui craignent-ils et pour quelles raisons… c’est ce que vous découvrirez au fil du roman.

    Ainsi que l’indique le titre, « He Said/She Said » joue sur l’impossibilité de concilier deux versions des faits et de trancher. Tout au fil de l’histoire, le lecteur se voit confronté à des récits qui semblent parfois s’accorder avant de prendre une tout autre direction et de mettre à mal ses certitudes. L’intrigue est très ingénieuse et présentée de manière à nous surprendre tout au long du récit suivant les époques et les narrateurs.

    Par ailleurs, Erin Kelly fait preuve d’une grande maturité d’écrivain en prenant le temps de camper ses personnages et ses décors  -j’ai lu que certains lui reprochent une lenteur dans la mise en place mais personnellement, je considère que c’est une qualité par rapport à des romans qui se contentent de narrer les faits tels quels- et elle a en outre une écriture soignée, avec des formules qui font mouche. A titre d’exemple, elle décrit avec élégance la fascination face à une éclipse (« as if a giant hand had reached down from the sky and touched me ») et exprime de manière percutante la honte d’un personnage face à ce qu’il est en train de faire : « <…> and even the devil on my shoulder turned his back in disgust ».

    Vous aurez compris que je vous recommande chaleureusement ce roman, qui m’a passionnée de bout en bout au point d’avoir du mal à le quitter et qui plaira aux fans de Kate Morton, Katherine Webb ou encore Ruth Rendell.

     

     


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