• S'adapter

     

    S'adapter

    Prix Fémina 2021

    Goncourt des Lycéens 2021

    « Nous, les pierres rousses de la cour, qui faisons ce récit, nous nous sommes attachées aux enfants. C’est eux que nous souhaitons raconter. Enchâssées dans le mur, nous surplombons leurs vies. Depuis des millénaires, nous sommes les témoins. Les enfants sont toujours les oubliés d’une histoire. » *****

    Les pierres racontent… Elles racontent les enfants d’une fratrie, l’aîné, la cadette et le dernier, dont les vies sont marquées à jamais par l’arrivée dans la famille d’un petit garçon différent, « inadapté ». Un enfant dont on se rend compte très vite qu’il ne verra pas, qu’il ne marchera pas, qu’il ne parlera pas, et que son espérance de vie sera très courte.

    Les pierres donnent tour à tour la parole à chacun d’eux, dans un récit choral bouleversant. L’aîné, qui s’attache profondément à l’enfant mais qui « a rejoint ces êtres qui portent au cœur un instant arrêté, suspendu pour toujours ». La cadette, forte de sa colère et de sa révolte, qui choisit d’ignorer ce frère qui lui a volé ses parents et son aîné et qui n’a d’autre choix que de s’adapter (« Il fallait s’adapter comme on épouse les contours d’une guerre. Elle apprit les trêves et les offensives. »). Le dernier, qui n’a pas connu l’enfant et doit apprendre à vivre avec une histoire qui l’a précédé et avec les questions qu’il n’ose pas poser.

    En filigrane, les parents et tout ce que l’on devine : l’épuisement face aux lourdeurs administratives, le courage, la patience, la douleur. « Ils s’asseyaient sur le pont, au-dessus de la rivière, les mains enlacées, à la fois seuls et ensemble. » Et en toile de fond poétique et merveilleuse, les Cévennes : la montagne impassible, violente parfois, ses animaux, ses couleurs, ses sons, ses parfums.

    « S’adapter » est un livre court mais percutant, qui traite d’un sujet difficile avec beaucoup de pudeur, de tendresse et d’humanité, en se focalisant sur les conséquences d’un handicap grave pour les frères et sœurs de l’enfant, ces « bien portants <qui> ne font pas de bruit, s’adaptent aux contours cisaillants de la vie qui s’offre, épousent la forme des peines sans rien réclamer. » Il est en outre servi par une très belle écriture et un vocabulaire riche (ce n’est hélas plus si fréquent et mérite d’être souligné) qui en font une vraie œuvre littéraire et non un « simple » témoignage de vie. Un coup de cœur en ce qui me concerne.  

     


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