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    Block 46Double noirceur *****

    « Block 46 » est un livre dur à plus d’un titre, les deux récits narrés en alternance rivalisant de barbarie humaine. L’un commence dans le camp de concentration de Buchenwald en 1944, peu avant la libération des camps : Erich Ebner, étudiant en médecine allemand, y a été déporté et tente de survivre malgré l’horreur quotidienne. Son transfert dans le tristement célèbre « Block 46 » (surnommé l’antichambre de la mort par les détenus car il est dit que nul n’en revient) marque un tournant dans sa détention et aura de lourdes répercussions.

    Le second a pour cadre Londres et Falkenberg en Suède : les deux villes sont en effet le théâtre de meurtres en série peu ordinaires. Des similitudes permettent d’établir un lien entre eux   -la lettre « y » gravée sur le bras des victimes et autres horreurs anatomiques que j’épargne aux âmes les plus sensibles-  mais il y a également d’étranges différences : le lieu des meurtres, le modus operandi, le type de victimes. Les enquêteurs font appel à la profileuse Emily Roy pour tenter de déchiffrer l’énigme, aidée en cela par une amie de l’une des victimes, la Française Alexis Castells  -par ailleurs écrivain spécialisé dans les tueurs en série pour une raison douloureusement personnelle.

    « Block 46 » est un livre captivant où l'on ne s'ennuie pas un seul instant et qui présente un double visage : d’une part, un rappel de l’horreur nazie (les grands-parents de l’auteur ont été déportés et elle connaît manifestement bien son sujet) et d’autre part, une partie plus fictive, à savoir une enquête policière « serial killer » classique, très réussie selon moi puisque je me suis laissé surprendre plus d’une fois. Tant la partie historique que l'enquête contemporaine sont servies par une écriture fluide et agréable.

    Le livre ne peut être qualifié de plaisant car il évoque l’une des pires réalités historiques du XXe siècle  - ce qui ne permet pas au lecteur la distanciation émotionnelle offerte par la fiction-  mais il vaut certainement le détour et ravira les amateurs de mystère.

    Du même auteur: Mör


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    Seul le silence

    "Je sens la chaleur de mon propre sang sur mes mains, et je me demande si je vais continuer à respirer longtemps. Je regarde le corps d'un homme mort devant moi, et je sais qu'à petite échelle justice a été rendue. Revenons en arrière, maintenant, remontons au tout début < …> Tout doit être silencieux, car lorsqu’ils viendront, lorsqu’ils viendront enfin me chercher, nous devrons être en mesure de les entendre." *****

     

    Plusieurs années après avoir découvert R.J. Ellory grâce à ce roman (en version originale, "A Quiet Belief in Angels"… merveilleux titre), j'ai eu envie de m'y replonger pour voir s'il avait gardé sa puissance narrative et je n'ai guère été déçue.

    Des coups de feu dans une chambre d'hôtel à New York, deux hommes face à face: l'un est mort et l'autre revient sur les événements tragiques qui les ont menés là.

    Joseph Vaughan a douze ans lorsque la petite communauté d'Augusta Falls est secouée par les assassinats successifs de petites filles. Il découvrira même le cadavre de l'une d'entre elles et son incapacité à protéger ces enfants le hantera tout au long de sa vie. Ce récit est entrecoupé par des flashes dans le présent, narrés par Joseph Vaughan plusieurs décennies plus tard, alors qu'il est sur le point de clôturer de manière définitive la tragédie qui a assombri son existence entière.

    L'intrigue classique pourrait se suffire à elle-même  –le suspense d’une histoire de tueur en série dont l’identité n’est révélée qu’à la fin–  mais "Seul le silence" a ce petit quelque chose en plus qui fait les grands romans, à l'instar de Thomas H. Cook ou John Hart. Il émerge clairement, incontestablement, grâce à une très belle écriture, un personnage bouleversant qui dégage une infinie tristesse au fil d'un parcours déchirant, une atmosphère sombre et nostalgique. Le rythme est lent, poétique, on se laisse pénétrer par les images, les personnages, les événements : «Au-dessus de ma tête des feuilles d’automne se recroquevillant sur leurs branches telles des mains d’enfant, des mains de nourrisson : quelque ultime effort plaintif pour capturer les vestiges de l’été jusque dans l’atmosphère, et le retenir, le retenir tout contre soi, car il serait bientôt difficile de se rappeler quoi que ce soit hormis l’humidité maussade, oppressante qui semblait éternellement nous cerner.»

    Michael Connelly himself qualifie ce roman de "beautiful and haunting book" et de "tour de force"... ces commentaires à eux seuls sont suffisamment éloquents et je ne peux que vous le recommander, tout comme les autres oeuvres d'Ellory ("Papillon de nuit" et "Les fantômes de Manhattan" pour ne citer qu'eux). A ne pas manquer: la parution en mai 2019 d'une nouveauté, "Le chant de l'assassin", traduction de l'excellent "Mockingbird Songs" (voir chronique ci-dessous).



    Du même auteur:

    Papillon de nuit

    Les fantômes de Manhattan

    Un coeur sombre

    Mockingbird Songs


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    A Quiet Belief in AngelsTellement plus qu'un roman policier *****

    J'ai été attirée par le merveilleux titre de ce livre et ne l'ai pas regretté, puisqu'en le refermant, j'ai eu l'impression d'avoir découvert un grand auteur.

    Il s'agit bien sûr d'un roman policier, le résumé de l'intrigue suffit à nous en convaincre: en 1939, la petite communauté d'Augusta Falls est secouée par les assassinats successifs de petites filles. Le jeune Joseph Vaughan, douze ans, découvre le cadavre de l'une d'entre elles et ces événements tragiques ainsi que son incapacité à protéger ces enfants le hanteront tout au long de sa vie. Ce récit est entrecoupé par des flashes dans le présent, narrés par Joseph Vaughan plusieurs décennies plus tard, alors qu'il est sur le point de clôturer de manière définitive la tragédie qui a assombri son existence entière.

    L'intrigue à elle seule est déjà très bien, mais "A Quiet Belief in Angels"" a ce petit quelque chose en plus qui fait les grands romans, à l'instar de Thomas H. Cook ou John Hart. Il émerge clairement, incontestablement, grâce à une très belle écriture, un personnage bouleversant qui dégage une infinie tristesse au fil d'un parcours déchirant, une atmosphère sombre et nostalgique. Le rythme est lent, poétique, on se laisse pénétrer par les images, les personnages, les événements.

    Michael Connelly lui-même qualifie ce roman de "beautiful and haunting book" et de "tour de force"... ces commentaires à eux seuls sont suffisamment éloquents et je ne peux que vous le recommander, tout comme les autres oeuvres d'Ellory ("Candlemoth" et "Ghostheart" pour ne citer qu'eux).


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    Hiver arctiqueGlacial ****

    "Hiver arctique" n'est peut-être pas aussi exceptionnel que "La femme en vert", mais il n'en reste pas moins un excellent roman qui, je pense, ne décevra pas les fans d'Indridason.

    L'enquête concerne cette fois le meurtre inexplicable d'un petit garçon sans histoires, dont le seul tort est peut-être d'être issu d'un mariage mixte -père islandais et mère thaïlandaise-, et en filigrane une autre disparition inexpliquée, celle d'une femme qui a récemment abandonné sa famille pour vivre pleinement son nouvel amour.

    Indridason plonge son lecteur dans une Islande qui nous devient familière au fil de ses romans, soulevant cette fois la question méconnue du racisme dont font l'objet les nouveaux arrivants. Les amateurs retrouveront avec plaisir les personnages connus, et surtout Erlendur, toujours hanté par la disparition de son frère lorsqu'ils étaient enfants et qui doit faire face aux derniers jours de son amie Marion Briem.

    Le point fort n'est sans doute pas l'enquête en elle-même mais plutôt l'humanité qui se dégage des personnages, leurs tragédies décrites ou seulement suggérées, et l'horreur toute simple des faits. Une atmosphère aussi glaciale que la terre d'Islande et un dénouement que d'aucuns jugent bâclé mais que j'ai personnellement trouvé infiniment triste, avec ce courage qu'a l'auteur de ne pas apporter des réponses trop simples à une réalité aussi complexe que la vie.

     

    Du même auteur: 

    La femme en vert


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    CaniculeExcellent premier roman *****

    Victorian's Premier Literary Award

    Parution en français: 11 janvier 2017

    Ce premier roman de Jane Harper avait fait l’objet d’un concert de louanges, ce qui peut provoquer de grandes espérances ensuite déçues, mais tel ne fut pas le cas. L’auteur a déjà la maturité d’un écrivain accompli et l’on ne peut qu’espérer que de nombreux autres romans suivront, tant celui-ci est une réussite à tous points de vue.

    Le titre «The Dry » (en français, « Canicule ») fait référence à la terrible sécheresse qui sévit dans une petite communauté rurale australienne, Kierrawa, mais également à l’atmosphère de plus en plus étouffante au fil du récit. L’auteur parvient à créer une ambiance oppressante, aux sens propre et figuré, qui m’a un peu rappelé celle du « Go-Between » de L.P. Hartley.

    Les premières phrases harponnent déjà le lecteur : « It wasn’t as though the farm hadn’t seen death before, and the blowflies didn’t discriminate. To them there was little difference between a carcass and a corpse”. Un triple meurtre/suicide secoue la petite ville et provoque le retour d’Aaron Falk, devenu policier, vingt ans après son départ forcé de Kierrawa. Il y a vingt ans, un autre drame avait bouleversé les habitants: la disparition d’Ellie Deacon, âgée de seize ans. Point commun entre ces deux drames : Luke Hadler, à l’époque ami d’Aaron…

    «The Dry » s’articule autour d’un double mystère qui nous sera révélé peu à peu –le récit présent étant interrompu par la narration, sous différents angles, des faits du passé-, l’impression laissée au lecteur par le tableau final étant celle d’une tristesse profonde et d’une douce mélancolie.

    Alliant à la fois le dépaysement des paysages australiens et un suspense qui va crescendo, « The Dry » est un premier roman très accompli et je vous le recommande… chaleureusement smile

     

     

     

     

     


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