• The BreakdownD'une grande banalité **

    Après avoir trouvé « Derrière les portes » moins brillant qu’annoncé et au risque de jouer de nouveau les rabat-joie, je ne partage pas l’enthousiasme suscité par ce livre sur Amazon.uk, où la majorité des lecteurs lui octroient 5 étoiles.

    Le début était pourtant prometteur : une jeune femme, Cass, rentre chez elle un soir d’orage par un raccourci isolé et aperçoit une voiture à l’arrêt. Elle hésite à porter secours à la conductrice mais celle-ci ne se manifestant pas par un appel ou un coup de klaxon, Cass poursuit son chemin. Ce qu’elle apprend le lendemain ne cessera de la tourmenter pendant de longues semaines et marquera le début d’une lente dégradation de son état mental. A moins que…

    « The Breakdown » se lit aisément et si le lecteur est à la recherche d’une distraction facile, ce roman fera sans doute l’affaire. Si par contre vous êtes féru de thrillers et de romans policiers, je pense que comme moi, vous émergerez de votre lecture avec un sentiment d’insatisfaction. A l’exception de l’un ou l’autre moment plus prenant, l’ensemble est beaucoup trop prévisible, présentant des situations et des scènes  vues des centaines de fois auparavant. Le style littéraire est très simple –sans demander un Nobel de Littérature, il faut reconnaître qu’on est à mille lieues des grands auteurs du genre-  et tout comme dans « Behind Closed Doors », certains éléments sont peu crédibles.

     

    Une lecture facile qui peut plaire à certains -je pense qu’à l’adolescence, c’est le genre de livre que j’aurais apprécié-  mais personnellement, je l’ai trouvée au final décevante et en tout cas pas à la hauteur des recommandations dithyrambiques que j’ai pu lire.  Dans la catégorie "suspenses psychologiques", d'autres auteurs qui ne bénéficient hélas pas d'un tel buzz médiatique proposent des oeuvres bien plus intéressantes et si vous aimez ce genre, je vous recommande plutôt "Te laisser partir" de Clare McKintosh, "Canicule" de Jane Harper ou encore "Révélée" de Renée Knight (voir liens ci-dessous).

    Te laisser partir

    Canicule

    Révélée

     

     


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  • DésorientaleLeçon de tolérance ****

    « Désorientale » est l’histoire de Kimiâ, jeune femme d’origine iranienne dont nous faisons la connaissance dans la salle d’attente du service de procréation assistée de l’hôpital Cochin à Paris. Kimiâ nous raconte alors son histoire, passé et présent mélangés dans l’afflux des souvenirs, et nous emmène au cœur de l’exil et de ce qu’il peut représenter pour un individu. 

    D’un ton tantôt grave, tantôt léger, la narratrice raconte sa famille et son pays : des individus hauts en couleurs, parfois même des héros, emportés dans une Histoire encore récente, celle de la révolution iranienne de 1979. Au fil de ce récit prenant, la narratrice, fille d'intellectuels opposés au pouvoir en place, aborde des thèmes douloureux mais sans jamais verser dans le mélodrame, malgré le caractère réellement dramatique de certains événements : le déracinement, la transition d’une culture à l’autre, la quête de l’identité sexuelle, la découverte d’une France bien éloignée de l’idée qu’elle s’en faisait, petite fille, au travers de Voltaire et d’Hugo, et puis, « L’EVENEMENT », auquel elle fait référence très tôt dans le livre et dont elle ne parvient pas à parler tout de suite. La narration temporelle est quelque peu désorganisée, comme si elle suivait les méandres de l’esprit de l’auteur, mais cela ne gêne en aucun cas la compréhension de l’histoire.  

    « Désorientale » est un livre plaisant à lire, qui a le mérite d’être à la fois didactique  -j’ai appris beaucoup de choses sur l’Iran et en particulier sur la transition entre le régime du Shah et celui de Khomeiny-  et profondément humain, portant un regard « de l’intérieur» sur la réalité de l’exil en ces temps de crises migratoires et ouvrant ainsi le nôtre. Vivement recommandé…

     


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  • DuplicityUn délicieux moment de lecture pour les amateurs de thrillers psychologiques ****

    De nombreux romans de ce genre, encensés par la critique, se révèlent au final décevants car très ordinaires, avec un prétendu « twist-that-you-won’t-see-coming » qu’un lecteur un peu averti aura deviné très vite. Tel n’est pas le cas ici : Sibel Hodge nous emmène dans une histoire captivante et a réussi à me surprendre, alors que je suis férue de thrillers psychologiques.

    Max et Alissa Burbeck sont jeunes, beaux, riches et ils s’aiment (rassurez-vous, c’est tout pour la partie cliché), jusqu’à ce que le meurtre de Max, dans leur propre maison, vienne mettre un terme brutal à ce tableau digne d’un roman Harlequin. Alissa parvient quant à elle à s’échapper, ce qui laisse perplexe le policier Warren Carter alors que son supérieur pense avoir bouclé l’enquête: pourquoi Alissa a-t-elle été épargnée et est-elle vraiment la veuve éplorée, douce et gentille, que chacun se plaît à décrire ?

    Je ne peux en dire plus de l’intrigue car il vaut mieux vous laisser emporter au fil des pages et des surprises que l’auteur nous réserve. Le suspense est assuré par une alternance des narrations : le point de vue du détective et celui d’un mystérieux personnage, « The Other One », qui revient sur son enfance traumatisante dans une ferme, aux mains d’un père bourreau, et dont nous n’apprendrons l’identité que plus tard.

    Ma seule réserve concerne l’une ou l’autre coïncidence qui nécessiteront une certaine dose de « suspension of disbelief » chez le lecteur mais ceci mis à part, « Duplicity » contient tous les ingrédients que j’aime trouver dans une enquête policière : une lecture fluide, suffisamment de suspense pour que la manne de linge à repasser devienne résolument antipathique, un aspect psychologique bien présent (le deuil qu’essaie vainement de gérer Carter, la souffrance de « the other one » et sa compassion envers les seuls êtres proches, les animaux)… et enfin, des pages finales qui se tournaient littéralement toutes seules.

    Un roman bien construit et très agréable à lire, un "beach book" dans le sens le plus positif du terme, à emporter en vacances sans hésiter smile

     

     


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  • Trois jours à ChicagolandUn bon moyen de découvrir un excellent auteur ****

    Je ne suis pas particulièrement amatrice de nouvelles, leur préférant un roman plus dense et développé, mais j’aime beaucoup l’écriture et les thématiques sombres de RJ Ellory et j’ai donc voulu découvrir « Three Days in Chicagoland ».

    La trilogie est composée de nouvelles (« The Sister », « The Cop » et « The Killer »), à lire impérativement dans l’ordre sous peine de n’y rien comprendre : en effet, le récit est celui du meurtre d’une jeune institutrice, Carole Shaw, dans les années 50, récit présenté par trois narrateurs différents.

    La première partie est le point de vue de la sœur de Carole, Maryanne, lors des moments précédant l’exécution du meurtrier sur la chaise électrique : le décompte macabre de la dernière minute  -un coup de fil du gouverneur peut-il encore empêcher l’exécution ?-  est entrecoupé de flash-backs par lesquels Maryanne raconte au lecteur ce qui est arrivé à sa sœur. La seconde est la version des mêmes faits par le policier en charge de l’enquête, Maguire, et la troisième donne la parole au tueur.

    La plupart des reproches que j’ai pu lire concernant ces récits faisaient référence à leur caractère trop court. S’il est vrai que « Three Days in Chicagoland » est moins impressionnant que « A Quiet Belief in Angels », par exemple, il s’agit cependant d’une trilogie parfaitement réussie si l’on part du principe que l’on est dans le domaine de la « short story ». Les amateurs de RJ Ellory y retrouveront une écriture de qualité, une tension palpable lorsqu’il décrit les derniers moments du condamné, ainsi que quelques rebondissements dans la dernière partie. Ma seule réserve concerne une coïncidence un peu trop surprenante mais l’auteur lui-même anticipe cette réserve en écrivant dans le récit que cette coïncidence est incroyable, comme s’il avait lu dans les pensées de ses futurs lecteurs smile

     

    S’il est difficile de démontrer tout son potentiel de grand écrivain dans des nouvelles, Ellory a pourtant selon moi réussi à éviter cet écueil et à nous proposer un récit qui répond parfaitement aux exigences du genre. Si le choix d’une trilogie de nouvelles et non d’un roman complet peut paraître un défaut à certains fans, je pense quant à moi que ce choix peut également être une qualité : des récits courts peuvent attirer des lecteurs moins fervents, peu désireux de se lancer dans un roman complexe, et leur permettre ainsi de découvrir de manière plaisante l’univers de RJ Ellory.  

    Du même auteur: Papillon de nuitLes anges de New-YorkSeul le silenceMockingbird SongsGhostheart

     


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  • De l'art du bonheur"Le paradis terrestre est où je suis" *****

    A l’instar de « Méditer, jour après jour » du même auteur, « De l’art du bonheur » s’articule en chapitres où se croisent peinture et littérature, amitiés réussies qui emmènent le lecteur dans un univers empreint de poésie et de sagesse. Christophe André met toute son expérience de praticien au service de cet ouvrage, hymne au bonheur mais aussi à sa fragilité.


    « De l’art du bonheur » est un livre que chacun pourrait/devrait avoir sur sa table de chevet et qui se savoure peu à peu, au gré des expériences de vie de son lecteur. Tout le monde y trouvera écho, à un moment ou l’autre de sa vie, de son ressenti, qu’il soit doux ou amer. Ce sont en effet toutes les infimes parcelles du bonheur et de son absence qui y sont déclinées, les œuvres et les extraits choisis nous rappelant que ce que nous éprouvons n’a rien d’unique et que les artistes qui nous ont précédés ont superbement traduit, en images et en mots, des sentiments qui sont universels.


    La réflexion est composée de cinq grandes parties (matin, midi, soir, nuit et aube) faisant référence à chacune des étapes de notre bonheur (sa naissance, sa plénitude, son crépuscule, sa disparition et son retour), chacune de ces parties étant à son tour divisée en chapitres illustrés par un tableau. Les œuvres sont variées : le lecteur pourra à loisir admirer les amandiers de Van Gogh et de Bonnard, rêver face au « Bord de mer à Palavas » de Courbet ou encore plonger dans « la nuit noire de l’âme » avec Edvard Munch. Les citations émaillant le livre sont elles aussi riches et variées, certaines de véritables coups au cœur : «Quand l’appel du bonheur se fait trop pesant, il arrive que la tristesse se lève au cœur de l’homme » (Camus) ou encore « La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste… » (Hugo).


    « De l’art du bonheur » n’est cependant pas aussi déprimant que ces dernières phrases pourraient vous le laisser penser. Au contraire, alors que notre société semble n’être qu’une quête effrénée d’un bonheur absolu, immédiat et sans taches, il nous rappelle la nature fragile et éphémère de ce sentiment et surtout, qu’il est normal de ne pas être heureux tout le temps. Il nous parle tantôt des moments éclatants de bonheur -joie pure de l’enfance, force du lien, importance du moment présent-, tantôt des parts d’ombre qui les accompagnent, inévitablement.


    Christophe André évoque à cet égard la « mélancolie des bonheurs finissants » -en nous faisant prendre conscience qu’un bonheur déclinant, c’est encore du bonheur-, la « tentation du spleen » -dans laquelle nous aurions tort de nous complaire car la tristesse n’est pas une sagesse- ou encore de « l’incandescence et solitude de la douleur » -nous invitant à écouter l’espérance exceptionnelle d’Etty Hilversum, qu'elle a conservée jusqu’à ses derniers jours dans un camp de concentration, et nous encourageant à rester debout, malgré tout.
    Un très beau livre qui se déguste sans modération et qui a le mérite de nous rappeler que « le paradis terrestre est où je suis » (Voltaire).

    Du même auteur : Méditer, jour après jour


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