• Reste« Mon corps s’est affaissé sur le sien. Je n’ai pas crié. Je n’ai pas pleuré. Le silence. Tout s’est arrêté. Toutes mes sensations. Juste le silence. La collision avec le réel arrache tout, brise l’entendement, écorche si profondément que les émotions se taisent. Pourquoi mon cœur ne s’est-il pas arrêté lui aussi ? » *****

    Je n’étais vraiment pas certaine d’aimer ce roman : une femme qui se balade avec le cadavre de son amant, j’avoue que ce pitch très particulier me laissait perplexe. Je me suis pourtant laissé tenter, d’une part parce que j’avais beaucoup apprécié «La vraie vie» et d’autre part en raison de ce titre bref et sans appel qui me plaisait par son ambiguïté (impératif ou supplique ?).

    Je n’ai pas regretté ce voyage d’amour et de mort aux côtés de «S.» («l’autre femme») et de son amant, «M.» (nous ne connaîtrons jamais leurs prénoms). Lors d’une parenthèse amoureuse dans un chalet en pleine nature, M. se noie, laissant S. dans un état de désespoir qui confine à la folie : car il faut être un peu folle pour vouloir garder à tout prix auprès d’elle ce corps tant aimé, quand bien même il serait en train de se décomposer doucement, et pour écrire deux longues lettres à l’épouse qui ne se sait pas encore veuve…

    Il y a bien sûr quelques détails morbides, mais ce n’est pas ce qui émerge de ce roman tantôt tendre, tantôt cynique. «Reste» est avant tout le récit de l’impossible deuil d’un amour fou, avec tout ce que cela comporte de déni et de déchirure.

    À côté de cette histoire d’amour au-delà de la mort (pardon pour le cliché), Adeline Dieudonné a également écrit un roman féministe, évoquant la maternité, les relations de passage, les difficultés du quotidien dans le couple, le rapport de force homme-femme, notamment dans la sexualité, avec beaucoup de justesse et quelques touches d’humour malgré la gravité des sujets abordés.

    Un roman original, écrit dans un style limpide et agréable, et qui m’a beaucoup touchée.

    « Je ne t’ai sans doute pas assez remercié, mon amour. On oublie toujours de dire merci, on dit « je t’aime » et on croit que ça suffit. <…> Merci pour ta fragilité. Merci d’avoir accepté de te débarrasser avec moi des artifices à la con du manège amoureux, la jalousie, la possession, les preuves à brandir, merci de m’avoir vue comme une alliée, pas comme une adversaire, merci d’être devenu mon meilleur ami. Au revoir, mon amour. »

     

    Du même auteur :

    La vraie vie

     


    votre commentaire
  •  

    Homecoming / Les ombres d'Adelaide Hills«Le ciel nocturne lui causait la plus grande nostalgie de son pays natal. «Lever les yeux et ne pas voir la Grande Ourse et la Petite Ourse, ça m’inspire un sentiment de solitude cosmique. Rien n’est comme il devrait être.»» *****

    Rien n’est comme il devrait être, effectivement, en cette veille de Noël 1959 en Australie Méridionale, dans le magnifique domaine de la famille Turner. Un homme y découvre une scène aussi macabre que surréaliste, scène qui ne le quittera d’ailleurs jamais…

    « C’était la magie des livres, la curieuse alchimie permettant à un cerveau humain de transformer l’encre noire des pages blanches en un univers entier. » Cette citation extraite du roman illustre à merveille l’impression que j’ai eue, tout au long de ma lecture, d’être immergée dans un univers à part, dont je ne m’extrayais qu’à grand-peine.

    La plume magnifique de Kate Morton nous emmène à l’autre bout du monde, à deux époques différentes : Noël 1959, l’année du drame, et 2018, lorsque Jess quitte Londres pour venir au chevet de sa grand-mère Nora Turner, hospitalisée à Sydney. Jess est journaliste, elle est en quête d’une histoire et ce qu’elle découvrira ira au-delà de tout ce qu’elle aurait pu imaginer…

    «Les ombres d’Adelaide Hills» relate une histoire passionnante (et impossible à résumer tant elle est riche), qui fait la part belle aux mystères et aux secrets de famille ainsi qu’au sentiment d’appartenance et de « chez soi » (le titre original est d’ailleurs « Homecoming »). Le récit est addictif et ne lasse pas, malgré sa longueur, grâce à l’alternance des points de vue (dont les extraits d’un roman consacré au mystère de Tambilla) et des époques.

    Kate Morton excelle par ailleurs à faire vivre sous nos yeux les paysages australiens, créant ainsi une atmosphère très dépaysante : on imagine les ciels d’orage et les gommiers au tronc d’argent et on croit entendre les oiseaux multicolores qui saluent l’aube…

    Un grand coup de cœur pour ce roman, incontournable si vous aimez les vieux manoirs et les secrets de famille smile

     


    votre commentaire
  • Comment va la nuit ?« Il a connu d’autres disparitions, des séparations douloureuses, mais aucune ne le ravage comme celle-ci. Aucune ne lui a ôté son âme.

    Il lui faut apprendre à vivre sans. Vivre n’est pas le mot juste. Car une vie sans âme n’est plus une vie, c’est un désert. Elle doit être appelée autrement. Ce qui reste, par exemple. » *****

    Ce qui reste d’Anthony Malo au début de ce roman, c’est un homme qui se prépare à mourir seul dans la neige, près de la bergerie dans laquelle il vit dans une solitude presque totale. Le lecteur découvre alors progressivement, au moyen d’une judicieuse construction à rebours, ce qui l’a mené là, à travers différents épisodes de sa vie et surtout, à travers les femmes qui ont traversé celle-ci : Victoria, l’infirmière, Jeanne, Katel, son grand amour, et sa mère. C’est le prologue qui parachève cet éclairage par petites touches d’une vie placée à la fois sous le signe de l’amour, de la douceur et de la violence.

    J’ai beaucoup aimé ce livre, tant pour l’originalité de sa trame inversée et pour son style littéraire élégant que pour la beauté qui se dégage des descriptions de la nature. A l’image du Walden de Thoreau, auquel il est fait explicitement allusion, Anthony s’est retiré du monde, peut-être pour tenter d’échapper à cette nuit omniprésente :

    « La citation d’une pièce de Shakespeare que Katel s’est appropriée lui revient, « Comment va la nuit ? ». <…> « Elle va mal, répond-il à voix haute dans ce désert nocturne. Elle va très mal. »

    Un magnifique roman, empreint de violence et de poésie, que je vous recommande sans hésiter.


    2 commentaires
  • La gravité des étoiles"Je ne demanderai pas à Rosalie pourquoi elle ne quitte pas cet homme, je devine les réponses, d’une banalité affligeante. Parce qu’on a peur. Parce qu’on aime encore. Parce qu’on ne vaut plus grand-chose sans lui, il l’a assez répété. Parce qu’on a déjà tellement accepté qu’on se dit qu’on pourra bien supporter davantage. Parce qu’on a le vertige d’une existence vide comme un romancier aurait celui de la page blanche.

    Mais je devrai lui faire comprendre qu’on part toujours trop tard."

     

     

    L'avis des lecteurs...

     

    "Un roman d'une extrême justesse qui se lit le coeur serré" (Amélie Nothomb)

    "Un roman bouleversant et malheureusement encore nécessaire" (Télépro Magazine)

    "Un hommage émouvant à toutes ces étoiles écrasées au sol par la brutalité et le cynisme de ceux qui se disent hommes. Certaines ne sont plus là pour en parler, d'autres s'en relèvent, mais à quel prix et dans quel état. Au-delà de sa beauté formelle, un livre malheureusement nécessaire, encore et toujours. » (blog « Voyages au fil des pages)

    "J’ai tout aimé dans ce livre. Les personnages inoubliables, l’écriture et la construction. Un énorme coup de cœur pour ce roman." (Les lectures de Lolomito)

     

    « Un roman très réussi avec une tension psychologique qui tient en haleine, une fin surprenante, des personnages crédibles à la psychologie fouillée. Un magnifique roman qui est un immense coup de coeur pour moi. » (Membre du Comité des lecteurs Librinova)

    "Magnifique roman très émouvant sur le thème des violences conjugales. Une pépite…un diamant ! Je le recommande vivement." Valérie Paquay sur Kobo 

    "Fan inconditionnelle de “ce qu’il restera de nous”, premier roman de Pascale Joye, j’attendais avec impatience son deuxième ouvrage. Je n’ai nullement été déçue. Avec “La gravité des étoiles”, le défi est relevé haut la main. Rédigé de la même écriture élégante et poétique, agrémenté de références littéraires et poétiques, il nous tient en haleine du début à la fin, et c’est émue, la gorge serrée, que j’ai découvert, page après page, les destins de deux femmes victimes de violences conjugales. Roman bouleversant et percutant, encore plus abouti, à mon humble avis, que le premier roman de l’auteure, “La gravité des étoiles” est un coup de cœur absolu" (Laurcou sur Amazon)

    "Cet ouvrage est nécessaire, et ce sur tellement de points : éveiller les consciences, éduquer sur la réalité des violences conjugales, montrer aux personnes subissant ce type de violences qu’elles ne sont pas seules, etc. L’intérêt d’un tel livre est gigantesque et je ne doute pas une seconde de son impact sur son lectorat.
    Une chose est sûre, ce livre est un énorme coup de cœur et je ne l’oublierai pas de sitôt." (Laura, Comité des lecteurs de Librinova, sur Goodreads)

    "Un deuxième roman fort et bouleversant qui aborde avec justesse, sincérité et sensibilité la thématique des violences conjugales. Sublimé par une écriture fluide et poétique, ce récit polyphonique nous tient en haleine du début à la fin. Et c'est avec une intense émotion que nous suivons au fil des pages les destins tragiques de Constance et Rosalie, victimes de violences physiques et psychologiques de la part de leur conjoint. Pascale nous offre ici un deuxième roman coup de cœur qui permettra certainement aux femmes victimes de violences conjugales de trouver un écho à leur souffrance et à leur combat ainsi qu'à leur entourage de déceler les signes précurseurs d'une domination malsaine et destructrice. "Elle faisait de sa décision à lui, son choix à elle, comme ce serait souvent le cas par la suite". Une histoire poignante à lire absolument !" (Stéphanie sur Amazon)


    votre commentaire
  • Petit éloge de la médiocrité«C’est la clairvoyance sur notre médiocrité qui nous fera peut-être cesser de vouloir tout dominer. C’est cette capacité à nous savoir faillibles qui nous permettra peut-être d’imaginer des structures ne nuisant pas aux autres espèces ni à la nôtre, d’arrêter de violenter ce qui ne nous ressemble pas.» *****

    Cette phrase pourrait résumer le propos de ce « Petit éloge de la médiocrité ». Cet éloge qui peut sembler a priori étrange commence par un mail reçu par Guillaume Meurice, mail émanant d’un certain Philippe et le traitant ni plus ni moins de nul et de… médiocre. Face à cet inconnu qui a «souhaité ardemment et avec urgence me signifier que j’étais médiocre», Guillaume Meurice s’incline : «Philippe a tapé dans le mille. <…> Je suis médiocre.». Le ton est donné.

    Loin de l’être, ce livre court aborde des sujets sérieux, écologiques et sociétaux notamment, et questionne quelques grands principes de notre société (course effrénée au profit, compétition permanente, verticalité toxique, omniprésence de la validation sociale, glorification du travail des masses au profit de quelques-uns).

    Cela pourrait sembler rébarbatif mais détrompez-vous… Car Guillaume Meurice a le sens de la formule et je me suis surprise à (sou)rire plus d’une fois alors que les sujets en eux-mêmes sont loin d’être drôles. Quelques exemples parmi d’autres…

    « On est tous les Ch’tis à Mykonos de quelqu’un »

    « C’est en pensant soigner l’angine de poitrine que l’on a inventé le Viagra. Petit raté pour l’homme mais grand bond pour les sexagénaires. »

    (à propos d’Henry Ford, un des plus fervents antisémites de son époque) « à croire qu’il faille séparer l’homme du joint de culasse »

    « Si le ridicule tuait, TikTok serait un grand funérarium. »

    «Petit éloge de la médiocrité» remet les choses en perspective et nous rappelle que contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, l’échec n’est pas grave. Il nous fait également prendre conscience du joug que la société (et nous-mêmes) fait peser sur nos épaules : il n’est pas nécessaire d’être meilleur que les autres et cette compétition permanente et cet utilitarisme exacerbé ne font que nous détruire.

    Je termine par cette jolie transformation d’une célèbre phrase de Jean-Paul Sartre… « L’enfer, c’est soi-même lorsqu’on se laisse pourrir la santé mentale par ce qu’on imagine que les autres pensent de soi. »

    Un livre qui a le mérite d’être à la fois intelligent, irrévérencieux, interpellant et drôle et que je vous conseille J 


    2 commentaires