• The Vanishing of Audrey Wilde (The Wildling Sisters)

    Sur les pas de Kate Morton et Daphné du Maurier ****

    « The Vanishing of Audrey Wilde », également publié sous le titre « The Wildling Sisters », est le second roman d’Eve Chase, après « Black Rabbit Hall », et j’y ai retrouvé ce que j’avais aimé dans le premier : une belle écriture, des secrets de famille, une atmosphère gothique, une demeure où errent encore les fantômes du passé.

    Au cœur de « The Vanishing of Audrey Wilde » se trouve Applecote Manor, une vieille demeure isolée riche en secrets et en tragédies. C’est là que Jessie, ignorante de ce lourd passé, choisit de s’établir avec sa petite famille : Will, son mari, leur petite fille Romy mais aussi Bella, fille aînée de Will et de sa première épouse tragiquement disparue, Mandy. Jessie vit dans l’ombre de la jeune femme, parfaite dans la vie et encore plus parfaite dans la mort puisque rien ne pourra plus la souiller, et espère en quittant Londres y abandonner les souvenirs liés au premier mariage de Will et trouver grâce aux yeux de Bella. Mais la réalité est plus abrupte que les photos idylliques qu’elle poste sur les réseaux sociaux…

    Mais en 1959, Applecote Manor était la demeure des Wilde, qui y ont accueilli leurs quatre nièces, Flora, Pam, Margot et Dot, tandis que leur mère partait travailler à l’étranger. Margot nous raconte alors son été à Applecote Manor, devenu une demeure de tragédie depuis leurs séjours d'enfance puisque cinq ans plus tôt, leur cousine Audrey a mystérieusement disparu, sans que ce mystère soit jamais élucidé. Et le lecteur ne peut manquer d’être intrigué par ce prologue qui nous montre les quatre sœurs en train de déplacer un cadavre…

    « The Vanishing of Audrey Wilde » n’est cependant pas un roman policier à proprement parler mais plutôt une double histoire de famille très plaisante à lire qui n’a pas manqué de me rappeler Daphné du Maurier et Kate Morton. La douleur de la mère d’Audrey, qui n’a jamais su ce qui était arrivé à son unique enfant, fait écho à celle de Bella, privée brutalement de sa mère et inconsolable, avec en toile de fond des thèmes comme la puissance du lien fraternel ou encore la difficulté du « coming of age » pour des adolescentes.

    Un roman d’atmosphère bien écrit et empreint de sensibilité, qui ne pourra manquer de plaire aux fans des auteurs mentionnés ci-dessus.

     

     

     

     


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  • A Dangerous CrossingMort (d’ennui) sur le Nil **

    Parution en français: "Une vie meilleure" (18 janvier 2018)

     

    « Dangerous Crossing » (« Une vie meilleure ») fait partie, à mon sens, de ces romans victimes de la publicité mensongère dont ils ont fait l’objet. Ma déception a en effet été proportionnelle à ma hâte de le découvrir, les éloges de  cette sélection Richard & Judy Book Club pouvant se résumer comme suit : « captivating », «page-turner », « thrilling », «intoxicating », « exquisite tale of love, murder and dark secrets »… et, cerise sur le gâteau, une comparaison avec Patricia Highsmith et l’excellent « Mort sur le Nil » d’Agatha Christie qui avait enchanté mon adolescence. J’y ai d’ailleurs cru à la lecture du prologue, prometteur  -après une traversée maritime, une jeune femme descend sur la terre ferme, menottes aux poignets-, et des premiers chapitres, dans lesquels j’ai retrouvé l’atmosphère un peu surannée des romans d’Agatha Christie… mais hélas rien d’autre.

    L’intrigue en quelques mots… A la veille de la seconde Guerre Mondiale, Lily embarque à bord d’un bateau à destination de l’Australie, où elle va travailler comme domestique en contrepartie du voyage, désireuse d’oublier les événements pénibles qu’elle vient de vivre. Au cours des six semaines de traversée, elle y fait la connaissance de plusieurs voyageurs, d’horizons et de classes sociales différents, certains faisant battre son cœur, d’autres l’émouvant, d’autres encore lui inspirant de l’aversion. Rien de bien original, je commençais même un peu à m’ennuyer malgré les petits secrets révélés des uns et des autres, mais j’ai poursuivi ma lecture, attendant ce meurtre tellement alambiqué qu’il en devient parfait, à l’image des classiques de la Reine du Crime, et, je l’avoue sans honte, me réjouissant de voir qui allait tuer qui et comment smile.

    Mort violente il y eut bien, mais cela s’arrête là… Point d’énigme ni de suspense et je serais tentée de dire que le seul point commun avec « Mort sur le Nil », c’est qu’il y a un mort sur un bateau… L’argument de vente me paraît à tout le moins trompeur.

     

    Ce roman n’est pas mauvais en soi mais il n’est absolument pas présenté comme il le devrait et c’est là que le bât blesse : il ne s’agit pas d’un thriller, les pages ne se tournent pas toutes seules (j’avais hâte qu’ils arrivent enfin en Australie…) et « captivating » n’est certes pas l’adjectif qui me serait venu  à l’esprit pour le décrire. « Dangerous Crossing » est le récit d’une traversée (avec une galerie de portraits, quelques secrets plus ou moins inavouables et un décès inopiné et violent pour pimenter le tout), et il plaira sans doute à ceux qui recherchent ce genre de lecture, mais on est bien loin du produit vanté. Si vous aimez cette atmosphère un peu désuète, en huis-clos, avec un crime (presque) parfait, je ne peux que vous conseiller de vous (re)plonger plutôt dans ces petits bijoux que sont "Le meurtre de Roger Ackroyd", "Dix petits nègres" et bien sûr "Mort sur le Nil" smile


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  • On la trouvait plutôt jolie

    "La boussole du monde s’était-elle simplement déréglée ?"  ****

    Depuis « Un avion sans elle » et « Nymphéas noirs », j’attends toujours avec une certaine impatience de découvrir ce que Michel Bussi a bien pu nous concocter, son imagination sans faille n’ayant à ce jour jamais été prise en défaut.

    Le titre « On la trouvait plutôt jolie » n’a pas manqué de faire résonner en moi la tendre chanson de Pierre Perret, celle où il raconte la jolie Lily venue de son plein gré faire les sales boulots à Paris pour échapper à une vie de misère. La Lily de Michel Bussi, c’est Leily Maal, émigrée malienne, courageuse maman de trois enfants, qui fait des ménages et qui vit dans un HLM de Port de Bouc. Tout comme Lily, Leily se rendra vite compte que l’on n’est pas tous égaux au pays de Voltaire et d’Hugo, surtout si l’on vient de l’autre côté de la Méditerranée…

    Car étonnamment, c’est la crise des migrants qui sert de toile de fond à ce roman : l’auteur n’hésite pas à pointer du doigt la déshumanisation d’un système, l’indifférence générale (« Une quinzaine de corps noyés repêchés dans l’eau, dix autres cadavres échoués dans la boue. Passons maintenant à la météo. ») et l’inhospitalité des prétendues terres d’accueil : « Les fous qui étaient morts pour passer le mur, de l’est à l’ouest, étaient devenus des héros, des résistants, des martyrs ! Ceux qui tentaient aujourd’hui de franchir la frontière, du sud au nord, attirés par le même Occident, par les mêmes démocraties, étaient au mieux des hors-la-loi, au pire des terroristes. Question de nombre ? de mode ? de couleur ?  de religion ? Ou la boussole du monde s’était-elle simplement déréglée ? »

    Mais que les amateurs de romans policiers se rassurent, on est bien dans un roman de Michel Bussi, avec ce que cela suppose de manipulation et de contradictions apparemment insolubles. Indépendamment de ces réflexions humanitaires (toujours les bienvenues dans le contexte actuel), ils y trouveront leur compte : des chambres d’hôtel à vocation libidineuse qui deviennent des scènes de crime, des hommes qui paient de leur vie la recherche d’un moment de plaisir, des personnages cyniques qui profitent sans vergogne de la détresse d’autrui… et en arrière-plan le passé douloureux de Leily, qui se dévoile peu à peu et qui pourrait expliquer bien des choses. 

    Alors qu’il pense percevoir très vite la direction que prend l’intrigue, le lecteur voit rapidement basculer ses certitudes et réalise qu’il n’avait pas tout (voire rien) compris  -j’admets avec plaisir m’être fait avoir smile. Un très bon moment de lecture et un roman qui permet une nouvelle fois à l’auteur de se diversifier tout en conservant les ingrédients qui ont fait son succès.


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  • Summer

    "Des jeunes filles peuvent s’évaporer, devenir un souffle, ou le chant d’un oiseau..."   *****

    Sélection Goncourt 2017

    « Je suis la preuve vivante que l’on peut vivre sans les êtres que nous aimons le plus, ceux-là même qui rassemblaient les milliers de fragments qui nous constituent. Ces êtres que l’on est terrifié de perdre, parce qu’ils nous donnent la sensation d’être réels, ou du moins un peu moins étrangers au monde, et puis, quand nous les avons perdus, nous n’y pensons plus. »

    Il y a vingt-quatre ans, la sœur aînée de Benjamin Wassner a disparu. L’été de ses 19 ans, la lumineuse, bien nommée Summer s’est volatilisée sans laisser de traces, lors d’un pique-nique au bord du lac Léman. Aux prises avec un souvenir qui ne veut pas le lâcher et l’empêche de vivre, Benjamin se rend chez le psy, pour tenter de faire face à ce qui pourrit en lui depuis de si longues années. En toiles de fond, le lac, omniprésent, presque un personnage à part entière, le motif récurrent de l’eau, la famille riche en argent et en non-dits, et surtout la présence fantomatique de Summer, qui ne cesse de hanter l’esprit perturbé de son jeune frère. Benjamin, le mal aimé, à la souffrance si tangible, ce vilain petit canard à qui il arrive de penser que c’est lui qui aurait dû disparaître.

    Malgré le point de départ du roman  -une disparition non élucidée-, « Summer » n’est pas un roman policier et encore moins un thriller. Plutôt une amplification poétique sur les thèmes de la douleur et de la perte (« Où sont les êtres que l’on a perdus ? Peut-être vivent-ils dans les limbes, ou à l’intérieur de nous. Ils continuent de se mouvoir à l’intérieur de nos corps, ils inspirent l’air que nous inspirons. Toutes les couches de leur passé sont là, des tuiles posées les unes sur les autres, et leur avenir est là aussi, enroulé sur lui-même, rose et doux comme l’oreille d’un nouveau-né. »), de l’indifférence du monde aussi (« J’ai compris que des jeunes filles peuvent s’évaporer, devenir un souffle, ou le chant d’un oiseau. Ou alors se décomposer dans un bois, sous des pelletées de terre jetées à la hâte, se métamorphoser avec les saisons, la pluie, les vers, en un tas d’ossements, nets et blancs, juste sous les pieds des promeneurs, sans que la marche du monde en soit ébranlée. »).

    Une écriture magnifique au service d'un roman empreint de poésie mélancolique et une bien jolie découverte de cette rentrée littéraire.

     

     


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  • En son absenceUn simple changement de saison ****

    "Bien des drames pourraient s'expliquer par un simple changement de saison. Quelque chose se déclenche dans le ciel, et c'est comme si certains êtres n'attendaient que ce signal pour franchir le pas qui les sépare de leur destin. La nature, le plus souvent, semble immobile. Mais dès qu'elle s'ébroue, de la voûte céleste jusqu'au plus frêle brin d'herbe, tout est pris dans la même effervescence."

    Dans le petit village ardennais de Montange, il ne se passe pas grand-chose : la vie suit son cours, les préjugés et les rancœurs soigneusement enfouis sous un paisible quotidien. Mais dans la Belgique des années Dutroux, une disparition de jeune fille a une résonance toute particulière, terrifiante, qui ne permet plus jamais de voir les choses et les êtres de la même façon.

    C’est par un beau matin de printemps, lorsque l’air se pare de douceur pour la première fois, que Bénédicte Maziri disparaît. Elle est repassée chez elle prendre une veste plus légère mais elle n'est jamais montée dans son bus. Le chauffeur, Julien, est bien placé pour le savoir, lui qui surveille toujours la jeune fille avec une attention particulière… qu’il ne fait pas bon avouer dans le climat de cette Belgique traumatisée. De Bénédicte, plus aucune trace ni signe de vie, même si Julien pense l’avoir aperçue dans le break d’un voisin… Les loups se réveillent, les moindres mots ou attitudes deviennent source de suspicion et de haine…

    Si ces quelques lignes vous donnent à penser que « En son absence » est un thriller policier classique et que vous l’abordez comme tel, vous serez probablement déçu. Je le qualifierais davantage de roman psychologique d’atmosphère, avec en prime l’écriture fluide et soignée d’Armel Job. Psychologique car les différents personnages sont finement analysés, atteignant un étonnant degré de réalisme : que ce soient les parents de Bénédicte, entre inquiétude et culpabilité, les voisins ou les différents intervenants… tous sonnent « vrai ». D’atmosphère car comme dans les autres romans de cet auteur, le lecteur est plongé dans un univers typé, en l’occurrence celui d’un petit village perdu en pleine nature, chaque détail contribuant à cette « belgitude » toujours agréable à retrouver car peu commune en littérature.

    « En son absence » n’est pas le roman d’Armel Job qui m’aura le plus marquée mais il reste néanmoins un très agréable moment de lecture, le talent de l’auteur consistant à construire un roman intéressant  à partir d’un fait divers hélas terriblement banal. Pas de débordements sanguinolents ni d’action trépidante, seulement le constat sans appel des effets dévastateurs et parfois inattendus  de l’absence.

    Du même auteur:

    Helena Vannek

    Tu ne jugeras point

    Et je serai toujours avec toi

    Les fausses innocences

    Loin des mosquées


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