• La disparition de Josef Mengele

    La disparition de Josef Mengele La bête humaine *****

    Prix Renaudot 2017

    « La disparition de Josef Mengele » n’est pas un roman à proprement parler mais plutôt un récit semi-historique qui revient sur les années de fuite de Josef Mengele, « l’ange de la mort » d’Auschwitz (« baraquements, chambres à gaz, crématoires, voies ferrées, où il a passé ses plus belles années d’ingénieur de la race »). Auschwitz, les années de gloire de Mengele, où il vit avec sa femme  « une seconde lune de miel » dont le surréalisme donne envie de vomir : «Les SS brûlaient des hommes, des femmes et des enfants vivants dans les fosses ; Irene et Josef ramassaient des myrtilles dont elle faisait des confitures ».

    Si la littérature est souvent passe-temps agréable et divertissement, elle se fait ici instruction et devoir de mémoire. Instruction car si comme moi vous ne connaissiez Mengele que de nom et de réputation, vous apprendrez beaucoup de choses édifiantes, notamment concernant l’accueil des nazis dans l’Argentine de Perón. Une fuite très bien organisée, avec de nombreuses protections sur place, une famille fidèle qui continue à soutenir les siens de l’autre côté de l’océan, un système qui permettra à certains de rester impunis pendant des décennies. Mengele, « infatigable dandy cannibale », y devient Caïn le maudit, « le premier meurtrier de l’humanité : errant et fugitif sur la terre, celui qui le rencontrera le tuera ». Et même si l’on ne peut changer l’histoire, le lecteur se surprend à espérer sa capture et se réjouit de le voir peu à peu affaibli par les années de traque.

    Devoir de mémoire car on ne peut que se sentir glacé face à ce Diable à visage d’homme et frémir aux évocations du martyre de ses victimes. Ses exactions à Auschwitz sont décrites au fil du récit, folies sanglantes d’un scientifique sans âme obsédé par la gémellité et les malformations physiques. Un être sans conscience, car comme il le dit à son fils, « la conscience est une instance malade, inventée par des êtres morbides afin d’entraver l’action et de paralyser l’acteur », et d’autant plus immonde que jusqu’au bout, « le prince des ténèbres européennes » restera convaincu du bien-fondé de sa tâche et ne parviendra pas à comprendre que l’on puisse le poursuivre après tant de services rendus à l’Allemagne.

    A défaut d’être une lecture plaisante, vous l’aurez compris, « La disparition de Josef Mengele » est un livre essentiel qui, par ce portrait d’un être qui n’a plus rien d’humain, met également en garde : « toutes les deux ou trois générations, lorsque la mémoire s’étiole et que les derniers témoins des massacres précédents disparaissent, la raison s’éclipse et des hommes reviennent propager le mal ». Un avertissement bienvenu en ces temps où la peste brune n’est jamais complètement éradiquée.

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Marc
    Dimanche 14 Janvier 2018 à 18:37

    Bonjour Pascale

    Suite à ton commentaire, j ai lu ce livre.

    Une bonne leçon d histoire!

    Marc

    PS. Là où je vis, pas de bibliothèques, pas de librairies, un service de poste assez obsolète, les livres disponibles en format numérique (kindle) ont "changé ma vie"

      • Dimanche 14 Janvier 2018 à 19:38

        Bonjour Marc, 

        Heureuse que ce livre t'ait intéressé. Dans le même genre, je peux te conseiller "Ces rêves qu'on piétine" de Sébastien Spitzer, que j'ai chroniqué récemment et qui m'a semblé moins médiatisé, sans doute la concurrence du Goncourt et du Renaudot sur la même thématique: il est centré sur Magda Goebbels et donne froid dans le dos.

        Bien cordialement,

        Pascale

    2
    Marc
    Lundi 15 Janvier 2018 à 06:07

    Bonjour Pascale,

    Oui, j ai lu ta chronique sur ce livre hier soir.

    Là, je vais plutôt commencer "Etty Hillesum, une voix dans la nuit"

    Merci pour ton blog, je le consulte régulièrement.

    Bonne journée!

    Marc

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    3
    Marc
    Dimanche 25 Février 2018 à 13:36

    Bonjour Pascale,

    " Ces rêves qu on piétine": une réalité difficile à supporter, dure!

    Une technique d écriture intéressante avec ces personnages qui se succèdent, qui se rencontrent, et dont certains ont existés. 

    Bon dimanche,

    Marc

    4
    Dimanche 25 Février 2018 à 15:57

    En effet, la technique d'écriture est intéressante et le contenu insoutenable... Des livres indispensables au devoir de mémoire, pourtant. Merci pour ce retour et bon dimanche !

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