• Le secret de Tristan Sadler / The AbsolutistLe secret de Tristan Sadler / The Absolutist«It would be best for all of us if the Germans shoot you dead on sight» ***** 

    Je connaissais John Boyne par l’adaptation au cinéma de son roman «Le garçon au pyjama rayé» et je l’ai découvert en tant qu’écrivain il y a quelques semaines, passant de délicieuses heures à rire et à m’émouvoir grâce à ses «Furies invisibles du cœur» et comptant bien renouveler l’expérience. C’est chose faite avec «The Absolutist» («Le secret de Tristan Sadler») qui, s’il n’a pas la puissance romanesque du livre susmentionné, est un excellent roman que je vous conseille, particulièrement si vous aimez les récits qui se déroulent pendant la première guerre mondiale.

    L’histoire commence en effet en 1919, lorsque Tristan Sadler se rend à Norwich pour une mission éprouvante. Contrairement à son compagnon d’infortune William Bancroft, il a survécu à l’enfer des tranchées malgré les tendres mots d’adieu de son père lorsqu’il est parti au front  («It would be best for all of us if the Germans shoot you dead on sight») et a maintenant rendez-vous avec Marian, sœur de Will, à qui il veut remettre les lettres qu’elle a écrites à son frère durant la guerre. Tristan a cependant des raisons bien particulières d’appréhender cette rencontre et c’est peu à peu que les événements effroyables de 1916 se révèlent, grâce à des flashbacks d’un réalisme glaçant.

    L’intrigue est prenante comme dans un bon roman à suspense mais la force du livre réside davantage dans son contexte historique et la dimension morale qui en découle. La guerre y est présentée sans concession, changeant les êtres par son horreur absolue ou révélant ce qu’ils sont, avec çà et là les sursauts de ceux qui questionnent l’autorité : les objecteurs de conscience et les «absolutists» qui vont encore plus loin et refusent toute implication, même humanitaire. Sur cette réflexion viennent se greffer des thèmes universels qui se retrouveront dans « Les furies invisibles du cœur » : le deuil, le rejet, la sexualité, les préjugés.

    Une histoire forte que je vous recommande sans hésiter.

     

    Du même auteur:

    Les furies invisibles du coeur

     

        

     

     

     


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  • Le temps d'un soupir"Le printemps fait mal. Je voudrais lui demander grâce. < …> La douceur de l'air me fait rêver, à ce qui fut et à ce qui serait si tu étais là. Je sais que cette rêverie n'est qu'une inaptitude à vivre le présent. Je me laisse entraîner par ce courant sans regarder trop loin ou trop profondément. J'attends le moment où je retrouverai la force. Il viendra. Je sais que la vie me passionne encore. Je veux me sauver, non me délivrer de toi. " *****

    Les livres qui ont le pouvoir de bouleverser un même lecteur à trente ans d’intervalle ne sont sans doute pas légion et je n’étais pas sûre de ce qui m’attendait en reprenant «Le temps d’un soupir», lu pour la première fois à l’âge de dix-sept ans dans le cadre du cours de français. Il ne m’a fallu que quelques lignes pour comprendre que l’impact de ce magnifique message d’amour conservait toute sa puissance à travers les décennies… et que je devais garder un paquet de Kleenex à portée de main.

    «Notre vie entière, qu’était-elle dans le cours du monde ? A peine le temps d’un soupir.» Le comédien Gérard Philipe n’a que trente-sept ans lorsqu’il est emporté par un cancer, laissant sa veuve, Anne, seule avec le souvenir du bonheur et le vide absolu de l’absence. Au fil de ces pages empreintes d’amour et de douleur, Anne Philipe tisse une œuvre aussi courte qu’intense, décrivant toutes les nuances du chagrin avec beaucoup de finesse : le courage de cacher à l’être aimé qu’il va mourir, dans un ultime geste d’amour, l’accompagnement des derniers jours, la solitude brutale quand la mort surgit quelques semaines seulement après le verdict, la nécessité de continuer à vivre.

    «Le temps d’un soupir» est un récit bouleversant dans lequel chacun ne peut manquer de se reconnaître pour peu qu’il ait été confronté à un deuil douloureux. Anne Philipe écrit merveilleusement bien, les images et phrases utilisées traduisant les sentiments avec beaucoup de justesse et de subtilité : «Je vivais mon exécution, mais celui qui allait mourir dormait à quelques mètres» ou encore «L’ouragan est là, il sommeillait, prêt à m’assaillir au premier ciel tendre, aux premières pousses vertes qui dessinent un halo fragile autour des arbres».

    Si le récit est empreint de poésie, l’auteure porte cependant sur la mort un regard sans concession, refusant de l’enjoliver ou de se voiler la face puisqu’elle ne croit pas à l’au-delà : «J’ai cru longtemps à la paix des cimetières <…> Mais ce jour-là, en face de toi, le ciel bleu, les cyprès presque noirs, la brise délicate n’étaient qu’un décor. Mon regard allait aux choses cachées, à la vie souterraine, inhumaine où chacun pourrissait seul, toi comme les autres, à un mètre de moi.»

    Un roman à lire absolument, à méditer aussi, qui rappelle par la gravité du sujet évoqué que le bonheur est d’autant plus fragile lorsqu’il semble aller de soi.

     

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