• En son absenceUn simple changement de saison ****

    "Bien des drames pourraient s'expliquer par un simple changement de saison. Quelque chose se déclenche dans le ciel, et c'est comme si certains êtres n'attendaient que ce signal pour franchir le pas qui les sépare de leur destin. La nature, le plus souvent, semble immobile. Mais dès qu'elle s'ébroue, de la voûte céleste jusqu'au plus frêle brin d'herbe, tout est pris dans la même effervescence."

    Dans le petit village ardennais de Montange, il ne se passe pas grand-chose : la vie suit son cours, les préjugés et les rancœurs soigneusement enfouis sous un paisible quotidien. Mais dans la Belgique des années Dutroux, une disparition de jeune fille a une résonance toute particulière, terrifiante, qui ne permet plus jamais de voir les choses et les êtres de la même façon.

    C’est par un beau matin de printemps, lorsque l’air se pare de douceur pour la première fois, que Bénédicte Maziri disparaît. Elle est repassée chez elle prendre une veste plus légère mais elle n'est jamais montée dans son bus. Le chauffeur, Julien, est bien placé pour le savoir, lui qui surveille toujours la jeune fille avec une attention particulière… qu’il ne fait pas bon avouer dans le climat de cette Belgique traumatisée. De Bénédicte, plus aucune trace ni signe de vie, même si Julien pense l’avoir aperçue dans le break d’un voisin… Les loups se réveillent, les moindres mots ou attitudes deviennent source de suspicion et de haine…

    Si ces quelques lignes vous donnent à penser que « En son absence » est un thriller policier classique et que vous l’abordez comme tel, vous serez probablement déçu. Je le qualifierais davantage de roman psychologique d’atmosphère, avec en prime l’écriture fluide et soignée d’Armel Job. Psychologique car les différents personnages sont finement analysés, atteignant un étonnant degré de réalisme : que ce soient les parents de Bénédicte, entre inquiétude et culpabilité, les voisins ou les différents intervenants… tous sonnent « vrai ». D’atmosphère car comme dans les autres romans de cet auteur, le lecteur est plongé dans un univers typé, en l’occurrence celui d’un petit village perdu en pleine nature, chaque détail contribuant à cette « belgitude » toujours agréable à retrouver car peu commune en littérature.

    « En son absence » n’est pas le roman d’Armel Job qui m’aura le plus marquée mais il reste néanmoins un très agréable moment de lecture, le talent de l’auteur consistant à construire un roman intéressant  à partir d’un fait divers hélas terriblement banal. Pas de débordements sanguinolents ni d’action trépidante, seulement le constat sans appel des effets dévastateurs et parfois inattendus  de l’absence.

    Du même auteur:

    Helena Vannek

    Tu ne jugeras point

    Et je serai toujours avec toi

    Les fausses innocences

    Loin des mosquées


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  • Le couple d'à côtéHarlan Coben a adoré... moi pas smile **

    « Le couple d’à côté » est le genre de livres que l’on a hâte de découvrir : encensé par Harlan Coben, Lee Child ou encore Linwood Barclay, présenté sur le quatrième de couverture comme « un chef-d’œuvre de suspense, de twists et de faux-semblants », « en cours de publication dans 30 pays », il ne pourra que ravir l’amateur de thrillers. Au risque de jouer (une nouvelle fois) les rabat-joie, je dois bien avouer que je ne partage pas cet enthousiasme et que je suis plus que perplexe face au battage médiatique dont ce roman fait l’objet.

    L’intrigue n’est pas particulièrement originale mais elle aurait pourtant pu être un point de départ intéressant. Suite à la défection de dernière minute de la baby-sitter, Anne et Marco laissent leur bébé seul à la maison pour aller passer la soirée chez les voisins. Malgré le baby-phone et une surveillance régulière, le drame se produit : à leur retour, le berceau de la petite Cora est vide. S’ensuivent alors révélations diverses et retournements de situation, jusqu’au « twist » final.

    Même si la qualité littéraire n’est pas la première exigence d’un bon thriller   -mais quel régal lorsque c’est le cas-, j’ai été très déçue par l’écriture : le récit est narré au présent (je ne demande pas des subjonctifs imparfaits à chaque page mais tout de même, un petit passé simple de temps à autre m’aurait fait plaisir), dans des phrases courtes et basiques. J’ai eu davantage l’impression de lire un scénario de film qu’un roman.

    Je me suis consolée à la pensée que si le livre avait un tel succès en version originale, c’est que ce défaut était compensé par l’intrigue mais que nenni : s’il est vrai que la lecture est facile et que l’on a envie de savoir ce qui s’est passé, les différents retournements de situation finissent par devenir improbables, le tout dernier étant totalement superflu et inadéquat. Par ailleurs, le lecteur ne ressent pas vraiment d’empathie pour les personnages, certains étant à la limite de la caricature.

    Si vous êtes à la recherche d’un thriller sans prétention pour vos vacances, « Le couple d’à côté » fera parfaitement l’affaire et je pense qu’il trouvera son public (mais dans ce cas, évitez de lire les critiques d’Amazon.uk, de nombreux commentaires spoilent le récit de manière inadmissible). Je précise en outre, dans un souci d'objectivité, que j'ai été déçue par plusieurs best-sellers du même genre  ("Derrière les portes", "La fille d'avant", "Ragdoll"...) et que j'assume mon côté rebelle smile

    Par contre, le «hype » dont il fait l’objet (louanges de nombreux auteurs connus, « WH Smith Book of the Year 2016 », « Nr 1 Sunday Times Bestseller », etc) me paraît totalement injustifié, notamment au vu des excellents thrillers publiés récemment qui n’ont pas bénéficié d’une telle publicité… 

    Je remercie Babelio et les éditions Presse de la Cité pour l'envoi de ce roman en échange d'une critique honnête.

     

     

     

     

     


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  • La salle de balLes prémisses de l'horreur nazie *****

    Dans l’Angleterre du début du XXe siècle, il ne fallait pas grand-chose pour être enfermé à l’asile de Sharston : la jeune Ella Fay l’apprend à ses dépens, elle qui s’y retrouve pour avoir brisé une vitre de la filature où elle travaille depuis qu’elle est enfant. Peu à peu, le lecteur découvre la terrible réalité de cet endroit et le quotidien difficile de ceux et celles qui y travaillent  -les femmes n’ayant même pas accès à l’air libre-, leur existence adoucie seulement par ces soirées du vendredi où certains ont le privilège de venir à la somptueuse salle de bal. Les rencontres deviennent alors possibles et Ella y fait la connaissance de l’Irlandais John Mulligan, dont le douloureux passé l'a mené tout droit à Sharston.

    Mais loin d’être une romance bas de gamme, « La salle de bal » est une fiction historique qui nous ouvre les yeux sur une réalité hallucinante, vieille d’à peine un siècle. En effet, l’auteure s’inspire d’un endroit ayant réellement existé  -son arrière-arrière-grand-père y a été accueilli comme patient-  et elle s’appuie également sur des documents d’époque pour aborder le thème de l’eugénisme.

    Car le docteur Fuller, engagé à Sharston, n’est pas seulement un mélomane qui croit au pouvoir curatif de la musique pour ses patients : convaincu de la nécessité de sélectionner une race supérieure pour le bien de l’humanité (triste présage des décennies qui suivront), il réfléchit avec un peu trop d’enthousiasme à la meilleure solution possible (ségrégation ou stérilisation ?), les êtres humains lui confiés n’étant plus alors que des cobayes au service de son projet mégalomane qui semble intéresser Churchill lui-même.

    « La salle de bal » est un roman doux-amer sur une époque et un système dont les codes et les aveuglements nous font frémir, le couperet du verdict « faible d’esprit » tombant avec une facilité déconcertante. La femme est aisément qualifiée d’hystérique (la preuve étymologique irréfutable de cette propension étant bien sûr l’utérus) et si en plus elle aime les livres, elle est définitivement perdue : « Contrairement à la musique, il a été démontré que la lecture pratiquée avec excès était dangereuse pour l’esprit féminin. » (sic). Un diagnostic du docteur Fuller qui serait très drôle s’il n’était le reflet de préjugés et d’ignorances qui ont coûté cher en vies et libertés humaines.

    Une belle lecture à la fois dépaysante et instructive que je vous recommande.


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  • Les jours fragilesLes derniers jours du poète *****

    Il fallait allier sensibilité et talent littéraire pour oser consacrer un roman à l’immense Arthur Rimbaud et Philippe Besson ne pouvait dès lors faillir à la tâche.

    Il a choisi pour ce faire le parti-pris d’une période  -la fin de vie du jeune poète-  et d’une narratrice, Isabelle, sa sœur, aimante et dévouée jusqu’à l’atroce départ. A travers le récit d’Isabelle, le lecteur découvre le jeune homme scandaleux, la famille déchirée, la mère tellement froide qui même dans l’agonie ne lui pardonne pas ses errances, les souffrances physiques et psychologiques de l’homme amputé qui revient dans les Ardennes pour y mourir après avoir passé sa vie à les fuir. Isabelle la catholique restera fidèle jusqu’au bout, malgré les confidences parfois volontairement choquantes d’Arthur, parce que « on ne tourne pas le dos à un mourant » et tiendra un journal, pour « conserver la trace de ce qu’il fut, au moment de quitter ce monde ».

    Les admirateurs de Philippe Besson retrouveront dans ce court récit son empreinte, un langage soigné et une sensibilité à fleur de peau, au service de l’un des plus grands poètes de la littérature française. Il lui rend hommage avec une grande sobriété qui n’empêche pas l’émotion : malgré l’absence de fioritures, le lecteur perçoit sans mal les fulgurances du jeune poète mort à 37 ans seulement, ses souffrances, son besoin d’immensité, lui qui était « fait pour les grands espaces, pour les chevauchées » et qui, par une cruelle ironie du sort, se retrouvera immobilisé par la maladie.

    Une seule envie en refermant ce roman : se (re)plonger dans la poésie de Rimbaud, à la lumière de ces fragments de vie racontés dans « Les jours fragiles ». Une vie courte mais intense, ainsi évoquée par Isabelle:  «Il allait, crotté et misérable, ses poches étaient crevées mais il se prétendait le plus riche des hommes. Il allait, insouciant et léger, au hasard, il cherchait l’extase dans la fugue et, dans le même temps, portait des deuils écrasants, éblouissants. Il allait, guidé par des fulgurances, où nul autre n’était allé avant lui, et il flottait au-dessus des abîmes. Les mots lui venaient sans qu’il les commande <…> Que reste-t-il de tout cela ? Des cendres froides. »

     

    Du même auteur:

    Arrête avec tes mensonges

    Un homme accidentel

    Se résoudre aux adieux


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  • Insidious Intent

    Love Is in the Air ****

    "If Kathryn McCormick had known she had less than three weeks to live, she might have made more of an effort to enjoy Suzanne's wedding."

    Après « Splinter the Silence » en 2015, la reine écossaise du crime nous revient avec le dixième volet des aventures de Tony Hill et Carol Jordan.

    Carol est maintenant à la tête d’une unité d’élite, ReMIT, qu’elle a constituée en recourant aux meilleurs.  Mais aussi perspicaces soient-ils, ils semblent bien désarmés pour faire face à un tueur particulièrement retors, que ses connaissances médico-légales semblent mettre à l’abri de toute identification. Des victimes retrouvées carbonisées dans leur voiture, un lien tellement ténu avec leur meurtrier qu’il est difficile à établir de prime abord, un schéma psychologique (et psychopathique, n’ayons pas peur des mots smile) qui ne prend forme aux yeux de Tony Hill que grâce à la répétition des crimes… Un véritable écueil pour une « dream team » que ses détracteurs attendent au tournant. D’autant plus que Carol vit toujours avec les douloureuses séquelles de ses erreurs passées et que la journaliste Penny Burgess n’a pas l’intention de laisser passer un scoop de cette envergure…

    « Insidious Intent » est un roman policier du genre « serial killer » qui se focalise non pas sur l’identité du meurtrier  -que nous connaissons très vite-  mais plutôt sur la manière dont il pourra être confondu malgré la prudence dont il fait preuve. Rien de bien révolutionnaire mais le livre se lit avec grand plaisir et la fin est quant à elle audacieuse, au point que l’auteure elle-même demande de ne pas la spoiler. J’ai pu lire çà et là que cette fin était controversée voire peu imaginative mais personnellement, j’ai bien aimé l’effet de surprise et j’ai hâte de voir la suite qui lui sera réservée. Je pense qu’après dix romans mettant en scène les mêmes personnages (du genre torturés, en plus), le risque d’essoufflement est réel et que Mrs McDermid s’en sort plutôt bien en choisissant ce virage.

    Peut-être pas le meilleur McDermid (mais il faut dire qu'elle a placé la barre très haut) mais en tout cas suffisamment bien ficelé pour vous procurer un bon moment de détente... et vous faire passer toute envie d'assister seule à une fête de mariage arf


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