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    Une déchirure dans le ciel« Au revoir, mon cœur, désolée / Quand on a trouvé une déchirure dans le ciel / C’est là qu’on aurait dû monter… » *****

    Je ne lis habituellement pas de « true crime », préférant une fiction littéraire au récit de faits dont les victimes sont bien réelles –question de sensibilité personnelle. J’ai fait une exception pour « Une déchirure dans le ciel » parce que Jeanine Cummins, qui a vécu les faits, ne s’est pas improvisée écrivain (elle l’était déjà), que les critiques étaient très bonnes… et que je trouvais ce titre magnifique.

    Les faits en quelques mots… En avril 1991, la famille Cummins passe ses vacances à Saint-Louis chez les cousines Kerry, Julie et Robin, âgées de 20 et 19 ans.  Tom Cummins est très proche de Julie et le dernier soir, les trois amis décident de se rendre à Old Chain of Rocks Bridge pour voir les graffitis et surtout le poème que Julie y a laissé… Ils sont loin de se douter de l’horreur qui les y attend.

    « Une déchirure dans le ciel » est un récit d’autant plus touchant qu’il est basé sur des faits réels et que l’autrice y a mis toute la tendresse qu’elle éprouvait pour ses cousines –tout en parlant d’elle-même à la troisième personne et en utilisant son surnom de jeunesse, Tink.

    Ce roman est avant tout un hommage aux victimes de violence, quelles qu’elles soient, hommage bien nécessaire alors que très souvent, ce sont les criminels qui attirent l’attention du public, que ce soit en raison d’une fascination morbide ou de leur victimisation lorsqu’ils sont face à la caméra. Le lecteur partage la peine et la colère de la famille de l’intérieur et surtout, il découvre deux personnalités merveilleuses qui se sont fait broyer par le monde qu’elles aspiraient à changer.

     

     

     


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  • Où donc est le bonheur ?« Atteindre le bonheur n’est pas atteindre une complétude qui exclurait toute souffrance. C’est, au contraire, regarder la vie pour ce qu’elle est et l’aimer pour cela, sans réserve. » *****

    J’aurais pu craindre en entamant cet essai de me retrouver face à un énième ouvrage de développement personnel insipide, voire un peu naïf. Tel n’est pas le cas et j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir «Où donc est le bonheur ?» (son seul défaut étant que je n’arrive pas à me défaire de la chanson de Christophe Maé).

    L’autrice est professeure de philosophie et cela se sent : elle sait faire passer les concepts de manière claire et érudite, avec passion, sans nous prendre pour des benêts. Elle passe en revue la quête du bonheur à travers de grands classiques de la littérature et du cinéma et on a l’agréable impression d’être un peu plus cultivé en refermant cet essai : Antigone et sa soif d’absolu, Faust, Emma Bovary, Albert Camus, Le Cercle des poètes disparus, Virginia Woolf pour ne citer qu’eux…

    Ne vous attendez cependant pas à une réponse claire à la question du titre, le bonheur résidant avant tout dans l’acceptation de ce qui est. Mais la prise de conscience de la vanité de rechercher le bonheur à tout prix est peut-être, déjà, une réponse en soi… smile

    Vous aimerez peut-être :

    Christophe André, De l'art du bonheur


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  • Son odeur après la pluie« Prendre un chien, c’est accueillir un amour immarcescible, on ne se sépare jamais, la vie s’en charge, les déclins sont illusoires et les fins insoutenables. » *****

    Quelle belle surprise que ce livre ! Je ne savais pas à quoi m’attendre, je craignais un récit sans relief, ou trop cliché peut-être, et ce sont les critiques majoritairement élogieuses qui m’ont décidée à l’entamer. Bien m’en a pris…

    « Son odeur après la pluie » est l’histoire d’un amour pur et inconditionnel, celui qui a uni (et unit toujours, par-delà la mort) l’auteur et son bouvier bernois, Ubac. De la petite annonce lue par hasard à l’adieu déchirant, Cédric Sapin-Defour retrace sa vie aux côtés d’Ubac, leur complicité, les moments partagés, leur exploration de la montagne et de la nature qu’ils aiment tant.

    Ce livre m’a énormément touchée et j’avoue l’avoir fini en larmes (va-t’en expliquer à ton fils qui passe par là que tu pleures parce que le chien de ton livre va mourir…). Il capte à merveille la relation qui peut s’instaurer entre l’humain et l’animal, il fait sourire et il bouleverse. Il est une ode à la nature également, la montagne et ses créatures étant omniprésentes et magnifiquement décrites.

    J’ajoute que j’ai beaucoup aimé l’écriture de Cédric Sapin-Defour, son style riche et son ton juste, et j’aurais pu citer des dizaines de passages qui m’ont frappée ou émue. A titre d’exemples… « Il y aura l’été dont je serai l’animal abandonné. », « Il y aura sans trop y croire d’attendre de revivre. », « C’est irracontable le bonheur, il peut ne s’agir que d’une vacance de la peine. »

    Un livre coup de cœur que tout le monde devrait lire, ceux qui ont aimé et perdu leur fidèle compagnon et les autres aussi, ceux qui l’ont échangé contre quelques jours au soleil et ceux qui ne comprennent pas, ceux pour qui « ce n’est jamais qu’un chien »…

    Et comme disait Anatole France… « Tant qu'on n'a pas aimé un animal, une partie de notre âme reste endormie »…


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    Une exécution« La justice devrait être un ancrage, une réponse. <…> Cette justice-là ne donne pas le sentiment d'obtenir réparation. Ne procure même pas de satisfaction. Alors qu'elle inspire à fond l'air des montagnes, Saffy imagine l'aiguille de la seringue s'enfonçant dans le bras d'Ansel. Dans la veine bleue saillante. Ça lui paraît tellement inutile. Tellement aberrant. Le système les a tous trahis. » *****

    « Meilleur suspense de l’année 2022 » pour le New York Times.

    Edgar Award 2023, best novel

    Ansel Packer attend son exécution dans le couloir de la mort au Texas et il lui reste douze heures à vivre. En alternance avec le récit de ses dernières pensées et de ses dernières sensations, l’autrice nous présente le point de vue de trois femmes qui ont joué un rôle important dans sa vie : Lavender, sa mère, Hazel, la sœur de sa femme Jenny, et Saffron, qui a vécu avec lui en foyer d’accueil et est devenue enquêtrice.

    Contrairement à ce que ce résumé pourrait donner à penser, « Une exécution » n’est pas un roman policier classique sur les serial killers (dès le début, on sait qu’Ansel est coupable des faits qui lui sont reprochés et son sort est prévisible) et ce n’est pas à ce genre de littérature que vous devez vous attendre en l’entamant sous peine d’être déçu(e).

    Je n’ai pour ma part jamais ressenti l’étrange et morbide fascination pour les tueurs en série qui explique le succès d’émissions ou de séries à propos de Ted Bundy ou de Jeffrey Dahmer, et ce sont certains commentaires dithyrambiques qui m’ont incitée à lire "Une exécution" malgré un sujet qui ne m’attirait pas au départ… ce que je n’ai nullement regretté.

    J’ai en effet été complètement emportée par ce livre, par la finesse de ses perceptions, par l’absence de manichéisme dans l’analyse et par le portrait nuancé de ses personnages –Ansel m’a à certains égards rappelé le Meursault de Camus– et par le style littéraire d’une poésie parfois éblouissante.

    « La nuit était une plaie à vif. Pourtant, le cœur continuait de battre. Les arbres bruissaient, se lamentant en chœur. »

    Un roman magistral (et dire que l’autrice n’a que trente ans !) qui perturbe, qui émeut, qui fait réfléchir et qui figurera sans nul doute parmi mes coups de cœur de 2023.

     


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  • Reste« Mon corps s’est affaissé sur le sien. Je n’ai pas crié. Je n’ai pas pleuré. Le silence. Tout s’est arrêté. Toutes mes sensations. Juste le silence. La collision avec le réel arrache tout, brise l’entendement, écorche si profondément que les émotions se taisent. Pourquoi mon cœur ne s’est-il pas arrêté lui aussi ? » *****

    Je n’étais vraiment pas certaine d’aimer ce roman : une femme qui se balade avec le cadavre de son amant, j’avoue que ce pitch très particulier me laissait perplexe. Je me suis pourtant laissé tenter, d’une part parce que j’avais beaucoup apprécié «La vraie vie» et d’autre part en raison de ce titre bref et sans appel qui me plaisait par son ambiguïté (impératif ou supplique ?).

    Je n’ai pas regretté ce voyage d’amour et de mort aux côtés de «S.» («l’autre femme») et de son amant, «M.» (nous ne connaîtrons jamais leurs prénoms). Lors d’une parenthèse amoureuse dans un chalet en pleine nature, M. se noie, laissant S. dans un état de désespoir qui confine à la folie : car il faut être un peu folle pour vouloir garder à tout prix auprès d’elle ce corps tant aimé, quand bien même il serait en train de se décomposer doucement, et pour écrire deux longues lettres à l’épouse qui ne se sait pas encore veuve…

    Il y a bien sûr quelques détails morbides, mais ce n’est pas ce qui émerge de ce roman tantôt tendre, tantôt cynique. «Reste» est avant tout le récit de l’impossible deuil d’un amour fou, avec tout ce que cela comporte de déni et de déchirure.

    À côté de cette histoire d’amour au-delà de la mort (pardon pour le cliché), Adeline Dieudonné a également écrit un roman féministe, évoquant la maternité, les relations de passage, les difficultés du quotidien dans le couple, le rapport de force homme-femme, notamment dans la sexualité, avec beaucoup de justesse et quelques touches d’humour malgré la gravité des sujets abordés.

    Un roman original, écrit dans un style limpide et agréable, et qui m’a beaucoup touchée.

    « Je ne t’ai sans doute pas assez remercié, mon amour. On oublie toujours de dire merci, on dit « je t’aime » et on croit que ça suffit. <…> Merci pour ta fragilité. Merci d’avoir accepté de te débarrasser avec moi des artifices à la con du manège amoureux, la jalousie, la possession, les preuves à brandir, merci de m’avoir vue comme une alliée, pas comme une adversaire, merci d’être devenu mon meilleur ami. Au revoir, mon amour. »

     

    Du même auteur :

    La vraie vie

     


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